Erigé au sommet d'une colline, le château de Wildenstein domine l'arrière-vallée de la Frenke. C'est le seul château de montagne du canton de Bâle-Campagne à avoir subsisté depuis sa fondation jusqu'à nos jours et à être encore habité. II doit sans doute sa survie au fait qu'il n'a jamais appartenu à une famille dynastique et n'a donc pas été mêlé aux querelles politiques qui ont marqué la fin du Moyen - Age.
Son bâtisseur fut Henri d'Eptingen, dont le père possédait le château de Madeln. Les Eptinger furent parmi les colonisateurs du Jura bâlois les plus actifs, parmi ceux qui eurent le plus de succès. Relativement tard, au XIIIe siècle seulement, ils érigèrent près de l'actuelle commune de Bubendorf deux châteaux, celui de Gutenfels et celui de Wildenstein. Construits sur des terres appartenant à la prévôté du chapitre de. Bâle, ils ne devinrent ni l'un ni l'autre le centre d'une seigneurie. Le domaine ecclésiastique dont le cour était constitué par une cour capitulaire s'étendait jusqu'aux villages de Ramlinsbourg, Ziefen et Lupsingen. C'est grâce à une donation que l'évêché de Bâle était, au XIe siècle, entré en possession de ce territoire, rattaché jusqu'alors à l'Empire allemand. Par la suite, il semble avoir été inféodé aux comtes de Frohbourg; dans un document de 1239, les barons de Bubendorf, ministériaux de la maison de Frohbourg, sont en effet cités comme étant les détenteurs du fief. Après être retourné à la prévôté, en 1248, en même temps que la haute et la basse juridiction et tous les droits canoniques, il fut administré par un métayer.
C'est à cette même époque que fut édifié le château de Wildenstein. II n'était pas rare, au XIIIe siècle, qu'une maison forte soit érigée sur des terres appartenant à l'Eglise. Cela permettait à la simple noblesse d'acquérir des demeures fortifiées malgré l'opposition souvent manifestée par les puissants seigneurs territoriaux.
Même si le château de Wildenstein ne comprenait pas une seigneurie, il possédait d'importantes terres et des forêts, dont s'occupaient les habitants du château et quelques fermiers. D'autre part, les Eptinger versaient chaque année à la prévôté de modestes redevances pour les terres non cultivées. Ils ne durent en revanche rien payer pour l'accroissement de valeur que représenta la construction de leur château. Il est vrai que ces biens fonciers demeurèrent toujours propriété de l'institution ecclésiastique. Le premier Eptinger à se nommer de Wildenstein fut celui qui en même temps exerça la charge de métayer à la cour de Biel, dans le Leimental; elle appartenait elle aussi à l'évêché.
Le nouveau château fut pris d'assaut en 1334 déjà par les Bernois et les Soleurois. Henri, un fils de Gottfried d'Eptingen qui aimait à guerroyer, avait auparavant attaqué des sujets bernois près de Thoune, ce que les Bernois considérèrent comme une rupture de la paix publique. Assoiffés de vengeance, ils n'eurent plus qu'un but: s'emparer du malfaiteur. Mais Henri s'était réfugié à temps en lieu sûr. Nous ne savons pas combien gravement le château fut endommagé lors de cette première attaque, ni s'il souffrit en 1356 du tremblement de terre de Bâle.
En 1380, Henmann, fils de Gottfried, vendit le château de Wildenstein à Götzmann et Elsi Markwart, de Baden. Après quelques années déjà, ceux-ci en firent don à la maison de Beuggen de l'Ordre Teutonique, un ordre dont Markwald était chevalier. Puis il fut vendu à Peterman Sevogel, un riche patricien bâlois qui menait une vie de chevalier et, pour bien marquer son état, avait besoin d'un château. Son désir se réalisa donc lorsqu'il put acquérir Wildenstein. Peu à peu, les propriétaires qui lui succédèrent élargirent considérablement le domaine attenant au château.
Pendant les remous engendrés par la guerre des Armagnacs, les Sevogel ouvrirent leur maison forte à des mercenaires bâlois. Henmann tomba au cours de la bataille de Saint-Jacques sur la Birse. Trois décennies plus tard, sa famille s'éteignait. Par la suite, Wildenstein changea à plusieurs reprises de mains, jusqu'à ce qu'il fût acheté par Johannes Bar, professeur de droit à l'université de Bâle. Son fils acquit plus tard la bourgeoisie de Soleure et promit à cette ville de lui ouvrir le château. Mais Bâle parvint à contrecarrer les projets de sa dangereuse rivale, qui n'aspirait qu'à une chose, s'approprier des seigneuries. La ville de Bâle fit donc acheter le château par l'un de ses conseillers municipaux, Georges Schönkind, et le chargea de veiller au bon état de l'édifice. La riche famille des Schönkind avait autrefois déjà prêté de l'argent à l'évêque pour qu'il puisse retirer le gage qui grevait la seigneurie de Birseck. Après dix ans, Bâle acheta elle-même Wildenstein. Elle en détacha tous les droits et franchises et le revendit, sous réserve qu'il ne soit ni mis en gage ni transformé et qu'il demeure toujours ouvert à la ville. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que de nouveaux propriétaires entreprirent des travaux de transformation.
En 1684, Wildenstein et ses dépendances furent achetés par Meinrad de Planta de Wildenbourg. Après la mort de Meinrad, sa veuve, Sophie de Rosen, décida de ne plus habiter le vieux donjon et de faire transformer les communs et les demeures des domestiques, construits à l'intérieur de l'enceinte, en un corps de logis. Les propriétaires qui lui succédèrent érigèrent de nouveaux communs et exécutèrent les travaux de transformation nécessaires. Depuis 1792, Wildenstein appartient à la famille Vischer, qui s'efforce de maintenir le château en bon état. En tant que propriété privée et ne jouissant par conséquent d'aucun privilège public, il passa sans dommage les années de la Révolution française et tous leurs tourments.
En 1594, la guerre dite «du centime» put être réglée à l'amiable aux abords mêmes du château. Après la Réformation et l'acquisition, par Bâle, d'importantes seigneuries dans le Sisgau, l'évêque, en sa qualité de suzerain, et la ville furent impliqués dans plusieurs procès à propos de droits controversés. Bâle dut accepter une sentence arbitrale et verser à l'évêque une indemnité de 200 000 florins. Elle pensa pouvoir réunir cette somme en levant, dans la campagne, un impôt supplémentaire sur le vin, c'est-à-dire qu'elle voulut tout simplement exiger un centime de plus sur chaque mesure de vin. Mais pour dissimuler plus ou moins ce nouvel impôt, elle décida de réduire le contenu de chaque mesure. La population des campagnes ne fut toutefois pas dupe et dans les districts de Farnsbourg et de Waldenbourg, elle s'opposa à cette taxe en alléguant que l'acquisition de droits seigneuriaux détenus par l'évêque était une affaire purement municipale. Les négociations engagées en présence d'envoyés des cantons confédérés n'ayant pas donné de résultat, le porte-parole des paysans, Hans Siegrist, de Niederdorf, incita la population à la révolte et réussit à réunir une troupe de 500 à 600 hommes. Pris de peur, les Bâlois déléguèrent immédiatement leur conseiller Andreas Ryff à Liestal pour qu'il appréhende Siegrist. Ryff, un excellent tireur, venait justement d'organiser le concours de tir de la Société des fusiliers de Bâle. Au lieu de se rendre à cette manifestation, il obtempéra à l'ordre des autorités et partit pour Liestal avec une groupe d'hommes armés. Entre-temps, la troupe de Siegrist s'était accrue; elle comptait maintenant presque 3000 hommes. Et même quelques femmes courageuses, armées de fourches et d'autres instruments aratoires.
Par l'entremise du pasteur de Bubendorf, les adversaires eurent une explication près de Wildenstein. Ryff réussit à faire comprendre aux paysans en colère combien leur entreprise était dangereuse et sans espoir. Ils se retirèrent, non sans avoir obtenu l'assurance qu'ils ne seraient pas poursuivis. Dans le rapport qu'il adressa au Conseil de ville, Ryff exposa non seulement le danger de sa mission, mais souligna aussi son talent de négociateur.
Une fois encore, Wildenstein avait donc été au centre des événements. Le souvenir de la guerre du «centime», évoquée dans divers récits et légendes, est demeuré vivant jusqu'à aujourd'hui parmi la population du pays.
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