Les Grisons :
Château de Belfort

Belfort

 

Contrairement à d'autres importants ouvrages grisons qui, tels Jörgenberg, Castels ou Neu-Aspermont, se dressent au centre d'un groupe de plus petits châteaux, Belfort jouit d'un isolement absolu, à l'écart de toute autre forteresse et de tout endroit habité, dans une région boisée et déchirée de l'Albula. Occupant une crête rocheuse aux pentes abruptes située entre deux profonds ravins, cet imposant ouvrage est nettement divisé en un château supérieur et un château inférieur. Des travaux de consolidation exécutés il y a quelques décennies ont certes préservé d'une ruine complète les murs restants, mais en même temps, des travaux de dégagement non contrôlés entrepris dans le secteur du château supérieur ont fait de tels ravages qu'il n'est maintenant plus possible de procéder aux investigations archéologiques qui permettraient d'étudier l'histoire de cet ouvrage et celle de la colonisation de ce site. Ce qui est d'autant plus déplorable que d'importantes questions touchant à l'histoire des Grisons se rattachent aux débuts de la forteresse de Belfort, des questions qui ne trouveront peut-être plus jamais de réponse.

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Le château supérieur consiste en un imposant complexe de bâtiments. La partie la mieux conservée est celle du nord; le front sud, tourné vers le château du bas, présente, lui, une brèche béante. La tour principale, de plan carré, se dresse à l'angle nord-ouest de l'ouvrage. Il s'agit probablement de la plus ancienne construction de ce site, de la seule qui l'ait occupé dès le début. Des embrasures de meurtrières, des petites fenêtres carrées et des latrines en encorbellement prouvent que ce bâtiment a été habité. A l'origine, le donjon était couronné de créneaux. Ils ont disparu lorsque la tour fut surélevée. A l'est, un haut édifice se greffe sur le donjon. Au rez-de-chaussée, il comprenait l'entrée, murée plus tard, et aux étages supérieurs quelques salles habitables. Donnant sur la cour intérieure, le rez-de-chaussée ne servait que de passage, de sorte que les étages supérieurs n'étaient accessibles que par des portes pratiquées dans la façade méridionale et auxquelles on parvenait par des escaliers extérieurs.

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Une cour s'étendait au centre de l'ouvrage. Une porte tardive ouverte dans la partie orientale de l'enceinte on y accédait par une étroite bande rocheuse longeant le pied du mur menait directement à la cour, pourvue d'une citerne circulaire. Du côté ouest, un petit bâtiment d'importance secondaire s'adossait au mur d'enceinte.

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L'aile sud du château supérieur consiste en un énorme édifice, remanié à plus d'une reprise jusqu'à la fin du Moyen Age. Au rez-de-chaussée, il est divisé en deux par un couloir couvert d'une voûte en tuf. D'une porte aujourd'hui disparue, probablement pratiquée tardivement au sud de l'ouvrage et donnant sur le château inférieur, ce passage menait à la cour intérieure. Des fenêtres de différentes formes, des latrines en encorbellement et les restes d'âtres prouvent que les étages supérieurs de l'aile méridionale de l'ouvrage renfermaient des pièces d'habitation et des salles d'apparat. Le sous-oeuvre de cette même aile recèle des fragments de murs provenant de constructions antérieures. Dans sa forme actuelle, ce bâtiment ne date probablement que du XIVe siècle ou du début du XVe

Le château inférieur occupe un emplacement avancé, aux pentes abruptes, situé au sud de l'ouvrage. Son intérieur est rempli de décombres provenant de la façade sud du château du haut. Des traces de bâtiments apparaissent à l'angle sud-ouest, où devait se trouver une porte. Chose étonnante, les murs d'enceinte du château inférieur ne touchaient pas à ceux de l'ouvrage supérieur; ils se perdent dans les saillies rocheuses que l'on voit au pied du château du haut. Sans raisons apparentes, on a jusqu'ici attribué le château inférieur à une phase d'agrandissement tardive, bien que le tracé de ses murs d'enceinte porterait plutôt à croire qu'avec le donjon du nord-ouest de l'ouvrage du haut, il a fait partie des premières constructions. Il doit avoir été abandonné après que le château supérieur eut été remanié et que l'aile sud lui eut conféré l'aspect compact et monumental qui le caractérise aujourd'hui encore.

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Pendant longtemps, on a pensé que les promoteurs de la forteresse de Belfort étaient une famille noble de ce nom. Mais il n'y a jamais eu de lignée portant ce patronyme. Les éléments les plus vieux du château ne remontent pas plus haut qu'au début du XIIIe siècle et en 1222 déjà, Belfort appartenait aux barons de Vaz; des documents l'attestent. Il faut donc voir en cette forteresse le siège centrai de cette puissante famille rhétique. Son édification doit avoir coïncidé avec le développement de la souveraineté des Vaz dans la région de l'Albula.

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Il est vrai que les barons de Vaz apparaissent déjà vers le milieu du XIIe siècle dans des documents, où ils sont cités en même temps que d'autres familles dirigeantes de la Rhétie. C'est pourquoi on s'est longtemps demandé où ils avaient pu résider avant la construction de Belfort, au début du XIIIe siècle. Il est aujourd'hui possible de répondre à cette question. Des fouilles entreprises en 1980 dans l'aire du château de Nivagl, près d'Obervaz, ont en effet apporté la preuve irréfutable qu'au début de notre millénaire, un vaste ouvrage occupait cet endroit. Les objets mis au jour ont permis d'établir qu'il avait été délaissé au XIIIe siècle déjà. Les barons de Vaz doivent avoir tout d'abord habité à Nivagl et adopté à ce moment leur patronyme, emprunté aux biens patrimoniaux qu'ils détenaient dans la région d'Obervaz. Au début du XIIIe siècle, ils transférèrent leur siège au château de Belfort, nouvellement construit, mais ne modifièrent pas leur nom, à l'encontre de ce que firent d'autres familles dans des cas semblables, par exemple les seigneurs de Sagogn, originaires de la contrée d'llanz. A partir du XIIIe  siècle, ils prirent le nom de Wildenberg, leur nouveau château, proche de Fellers. Un intendant des Vaz séjourna encore pendant quelque temps au château de Nivagl.

 

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Les moyens parfois violents et brutaux dont usèrent les barons de Vaz pour étendre leur suprématie en Rhétie donnèrent à plus d'une reprise lieu à des conflits avec d'autres seigneurs féodaux et plus d'une fois, la forteresse de Belfort fut impliquée dans des affrontements guerriers. En 1287, un nommé Waiter Caramamma, au service de l'Eglise de Coire, fut tué près de Belfort au cours d'une guerre privée opposant les Vaz et l'évêque. Ulrich de Marmels, un intendant épiscopal, mourut en 1332 à Belfort, sans doute après avoir été fait prisonnier par les barons de Vaz. La monumentalité de l'ouvrage de Belfort reflète clairement le profond désir des seigneurs de Vaz d'accroître leur pouvoir et leur besoin de se mettre en valeur, contrairement à la modeste église de Churwalden, où repose la famille.

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La branche masculine de la puissante lignée des Vaz s'éteignit à la mort de Donat, survenue en 1337. Par Cunégonde, fille de Donat, Belfort et la plus grande partie de l'héritage passèrent aux comtes de Toggenbourg. On ne sait rien de précis sur le sort réservé à la forteresse sous le règne de cette famille. Il est possible que l'un de ses vassaux ou de ses baillis ait alors résidé à Belfort.

 

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Le décès de Frédéric VII de Toggenbourg, le dernier de sa lignée, engendra en 1436 plusieurs bouleversements politiques. Les hommes de la seigneurie juridictionnelle de Belfort adhérèrent à la Ligue des Dix-Juridictions, qui s'était formée l'année même de la mort de Frédéric dans le but de prévenir tout éparpillement politique. Le conflit engendré par la succession de Frédéric déclencha non seulement quelques guerres spectaculaires, telle l'Ancienne Guerre de Zurich, mais encore toute une série de différends judiciaires. Ainsi, Guillaume IV de Montfort-Tettnang, époux de Cunégonde de Werdenberg-Sargans, une demi-soeur de Frédéric de Toggenbourg, souleva avec d'autres parents des prétentions à la succession, mais omit de les faire confirmer par l'empereur. Lequel ensaisina l'héritage des Toggenbourg à son chancelier Caspar Schick. Cet acte provoqua l'entente rapide des héritiers, qui maintenant s'accordèrent pour partager leurs biens patrimoniaux. Belfort fut attribué à Guillaume de Montfort et à Henri de Sax-Misox. Schick renonça en 1439 à ses droits et l'empereur céda alors Belfort en fief aux Montfort et aux Sax, non sans engager ses sujets à prêter serment de fidélité à leurs nouveaux seigneurs. Ces derniers avaient délivré en 1438 déjà aux Walser établis dans le pays de Davos qui faisait partie de la seigneurie de Belfort - une lettre de franchises. Sous les Montfort, la forteresse de Belfort servit de siège baillival aux Beeli, de Davos, chargés entre autres choses de percevoir les cens exigibles et d'assurer la garde du château. II ne semble pas qu'une forte garnison ait jamais occupé cet ouvrage. En 1475, le bailli disposait en tout et pour tout de deux mercenaires. II est vrai que la forteresse de Belfort devait demeurer ouverte aux gens de Davos; on peut donc penser qu'en cas de conflit d'une certaine importance, ceux-ci n'auraient pas manqué de la défendre.

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Après que le château eut été cédé en gage, en 1459, à l'oncle du propriétaire d'alors - un gage qui d'ailleurs fut retiré après peu de temps - le comte Guillaume de Montfort aliéna la seigneurie de Belfort et d'autres biens sis dans le territoire de la Ligue des Dix-Juridictions au duc Sigismond d'Autriche. Malgré les exhortations de l'empereur, les sujets refusèrent de prêter serment de fidélité à leur nouveau seigneur. En 1471, l'Autriche céda le territoire litigieux en nantissement aux Matsch, mais même après le retrait de ce gage, en 1477, les dissensions engendrées par cette question d'allégeance continuèrent. Pendant toute cette période d'incertitude, les Beeli, en leur qualité de détenteurs du gage, continuèrent à exercer leurs droits seigneuriaux et juridictionnels. Pour en obtenir la légitimation formelle, Nicolas Beeli demanda en 1486 au duc autrichien que lui soient provisoirement inféodés les droits inhérents à la seigneurie de Belfort.

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La guerre de Souabe de 1499 signifia la perte de la forteresse de Belfort. Pour l'empêcher de devenir un point d'appui des forces impériales autrichiennes, les Ligueurs s'en emparèrent et y mirent le feu. Elle n'a jamais été relevée de ses ruines.

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