Les ruines de Radegg se dressent haut au-dessus du Wangental, cette vallée qui, passant par territoire allemand, relie les villages du Klettgau inférieur à Rheinau. Les promoteurs du château choisirent comme emplacement l'extrémité de la prolongation méridionale du Rossberg, un endroit où les versants s'inclinent fortement vers la vallée et le Heusteig et d'où l'on jouit d'un vaste panorama. Les ruines s'élèvent sur un socle de calcaire de quelque dix mètres de haut, créé en grande partie artificiellement. Vu la nature de la roche, il fallut ériger des murs de soutènement du côté est. Dans le fossé qui de trois côtés entoure le rocher, on distingue nettement les traces laissées par l'extraction de matériel.
Le château lui-même formait un ensemble compact de trois parties, comprenant un donjon de plan rectangulaire, une sorte de petite cour et, à l'ouest, un bâtiment d'habitation presque carré. L'appareil extérieur consistait en blocs de calcaire équarris ou non et l'assemblage angulaire en moellons en bossage. Aujourd'hui encore, c'est le donjon, érigé à l'est, qui atteint la plus grande hauteur. Vu l'épaisseur de ses murs, il n'offrait que peu de place à l'intérieur, juste un espace d'environ deux mètres de largeur. La construction intermédiaire jouxtant à la tour a dû être une citerne, c'est ce que dit le rapport établi lors des fouilles de 1938. Ici, la maçonnerie intérieure consistait jusqu'à une hauteur d'un demimètre de pierres de calcaire plates revêtues d'une couche d'argile. Comme l'eau manquait dans la région, il se peut qu'il se soit effectivement agi d'un réservoir, un réservoir auquel la tour et le bâtiment d'habitation dispensaient un peu d'ombre et livraient de l'eau de pluie. Les autres vestiges ayant été fouilles et remués par des chercheurs de trésors, il n'est plus possible d'en tirer des renseignements quant aux constructions qui auraient pu occuper la partie centrale de l'ouvrage. Le bâtiment de l'ouest servit manifestement d'habitation. Comme les fouilles ont été entreprises par des personnes non initiées à de tels travaux pendant la première moitié de notre siècle, donc à une époque où la technique scientifique de telles recherches était encore peu développée, nous ne pouvons que former des conjectures sur le château de Radegg. Il en va de même pour l'actuelle entrée. Se fondant sur des considérations d'ordre tactique, on l'a placée à l'ouest, sans tenir compte de traces décelées dans le terrain. D'ailleurs, à Radegg, bien d'autres choses encore n'ont pas été suffisamment étudiées jusqu'à aujourd'hui. Par exemple le vaste avant-terrain de l'est qui, du côté nord et plus particulièrement encore du côté du plateau, est délimité par un remblai extérieur et un fossé. Des sondages ont permis d'établir qu'à l'origine, il existait aussi un remblai intérieur; il a dû être repoussé plus tard dans le fossé. II n'est pas exclu qu'un château de repli se soit jadis trouvé à cet endroit.
Autre question demeurée sans réponse, celle de la date de la construction du château. Il est certainement faux de dater cet ouvrage du XIe siècle. Les objets mis au jour indiquent qu'il a été habité au XIIe et au début du XIIIe siècle. Comme les murs dont il est resté quelque chose ont au plus tôt vu le jour vers 1200, même un peu plus tard pensons-nous, il se pourrait que lors d'une nouvelle construction, on ait détruit d'anciens bâtiments de bois ou de pierre.
Un autre ouvrage encore que celui du Wangental porte le nom de Radegg; il est situé sur la pente nord-ouest de l'Irchel. Il est difficile de dire lequel des deux fut le château patrimonial des Schad de Radegg, même si l'on tient compte des conditions de propriété. Il est attesté que ces seigneurs possédèrent des biens-fonds sur les deux rives du Rhin. Un nommé Henri Schad est mentionné dans un document de 1188. Ce qui complique toutefois les choses, c'est qu'au XIIIe siècle, il y eut à côté de la lignée seigneuriale une famille de ministériaux du même nom; plus tard, elle s'établit à Schaffhouse. Tandis que certains chercheurs voient dans les deux familles des branches d'une même lignée, Roger Sablonier se demande s'il ne pourrait pas s'agir de vassaux ayant tout simplement adopté le nom de leurs suzerains. On peut suivre les traces de la lignée seigneuriale jusque vers 1300, en dernier lieu à Rheinau. II semble que ces seigneurs aient entretenu de bonnes relations avec le couvent de l'endroit. C'est peut-être la raison pour laquelle le château de Radegg fut détruit, une destruction qui doit avoir eu lieu au plus tard pendant la seconde moitié du XIIIe siècle. Les seigneurs auraient alors protégé le couvent contre les revendications de ses prévôts, les seigneurs de Krenkingen. Les murs intérieurs de l'habitation marqués de traînées rouges, de même que les flèches d'arbalète et les pointes de flèche retrouvées - quelques-unes portent des traces de choc - permettent de conclure à une conquête du château par force. La lignée des ministériaux des seigneurs de Radegg disparut elle aussi au XIVe siècle, après qu'elle eut vendu à l'hôpital de Schaffhouse la majeure partie de sa propriété.
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