C'est sur une arête boisée débordant la forêt de Liebegg, au sud de la localité de Gränichen, que se dresse le château de Liebegg. De nos jours, il ne comporte plus aucun élément visible de la construction féodale. Ce qui ne signifie toutefois pas que la disposition du manoir actuel, composé de deux parties, ne permette plus de reconnaître le double ouvrage d'antan. Le vieux château était situé au point extrême et le plus haut de la colline, tandis que le nouveau château, par la cour duquel on accédait à l'ancien, se trouvait un peu en dessous. Un fossé artificiel cernait la colline. Même s'il a été comblé entretemps, cet obstacle d'approche peut encore être reconstitué dans le terrain.
Le vieux château a été remplacé par une demeure cossue de style gothique tardif, érigée en 1561/62 par Augustin de Luternau. Au troisième étage, un linteau de fenêtre porte, outre les armoiries de cette famille, la date de 1562. Une aile méridionale de cet édifice a été abattue au cours du XIXe siècle. Mais on la voit encore sur différentes vues des XVIIe et XVIIIe siècles. Dit aussi «maison des Luternau», cet étroit bâtiment de quatre étages ne comprend qu'une pièce par palier. Un escalier en colimaçon ménagé sur la face ouest assure la liaison entre les étages. La partie sud démolie au XIXe siècle était surmontée d'un pignon à redans. Les baies des portes donnant accès à l'aile méridionale ont été transformées en fenêtres, il n'est pas exclu que les murs de l'actuel manoir recèlent des éléments de la construction féodale.
Au début du XVIle siècle, des communs appelés à remplacer le «nouveau» château initial furent érigés au sud et à l'est de la cour. Reposent-ils sur d'anciennes fondations? Seules des fouilles pourraient élucider cette question. Vers la vallée, un long et étroit corps de logis remontant à 1817 marque la limite de la cour. A l'ouest, son mur principal, qui surplombait la pente abrupte, s'est écroulé. Il fallut alors reconstruire la maison d'habitation un peu plus en arrière. Côté cour, cette nouvelle construction de style néoclassique est dotée d'une arcade en plein cintre reposant sur sept piliers. Des communs construits tardivement dans la cour s'adossent au rocher, dans lequel est creusée une cave spacieuse. De celle-ci, on parvient à la cour supérieure après avoir passé sous le vieux château.
Cité pour la première fois en 1241 dans des textes, cet ouvrage est considéré comme le siège ancestral des seigneurs de Liebegg. Apparentés aux seigneurs de Trostberg, ils portèrent au début les mêmes armes qu'eux, «de gueules au bâton échiqueté d'azur et d'argent». Les habitants du château de Liebegg furent tout d'abord au service des Kybourg, puis à celui des Habsbourg. Ils possédaient également le château de Schöftland et détenaient le principe d'église de cette localité. Le château et le village de Liebegg étaient un fief de la maison des Habsbourg-Laufenbourg. Les seigneurs de Liebegg ne disposaient toutefois pas de l'ensemble du château et de la seigneurie; la moitié du fief avait en effet été cédée par le comte Jean de Habsbourg à Rodolphe d'Aarbourg. Celui-ci laissa cependant sa part aux seigneurs de Liebegg à titre d'arrière-fief. Henmann de Liebegg put ainsi jouir sans restriction, dès 1385, du château et de la seigneurie. Son fils, un ecclésiastique prénommé lui aussi Henmann, mourut jeune et sa fille épousa Petermann de Luternau. En 1412, le duc Frédéric d'Autriche renouvela le contrat de vasselage avec Henmann de Liebegg, mais exigea en retour que le château lui demeure ouvert. Cette clause n'empêcha pas le seigneur de Liebegg de rendre hommage aux Bernois trois ans plus tard, lorsqu'ils firent la conquête de l'Argovie. Le château fut de ce fait épargné. En sa qualité de successeur des droits qu'avait l'Autriche sur la seigneurie argovienne, la ville de Berne loua le vieux château de Liebegg aux fils de Petermann de Luternau. Quant au nouveau château, au droit de ban et au village de Liebegg, ils furent cédés en fief aux Luternau par Thüring d'Aarbourg. Le siège ancestral des sires de Luternau, des ministériaux kybourgeois, se trouvait près de Luthern, dans le district de Willisau. Cette lignée sut user d'une habile stratégie pour agrandir sa seigneurie. Par le biais de mariages, les seigneurs de Luternau devinrent propriétaires des châteaux de Kasteln, près de Willisau, de Liebegg et de Schöftland. Ils conclurent de plus des alliances de combourgeoisie avec plusieurs villes.
La seigneurie de Liebegg fut vendue à maintes reprises. En 1615, elle passa aux mains de Reinhart von Graviseth, un bijoutier palatin qui avait reçu ses lettres de noblesse de l'empereur Mathias. il fut dès lors autorisé à se nommer «Graviseth de Lüebeck» et à faire figurer dans ses armes une écrevisse rouge sur fond d'argent. Le nouveau châtelain fit construire en 1617 la porte d'entrée conservée à ce jour et dont la clef de voûte porte le millésime de sa construction et une marque de maître. Pendant la seconde moitié du XVIle siècle, le château de Liebegg fut acquis par Jean Frédéric Ier de Breitlandenberg, mais retourna au début du siècle suivant aux Graviseth, à la suite d'un échange qu'ils avaient conclu avec les seigneurs de Hallwil. En 1772, l'ouvrage échut par héritage à Bernard de Diesbach; ses descendants le vendirent à la famille Hunziker d'Aarau. Le château actuel a subi d'importantes rénovations extérieures en 1907. Depuis 1946, il appartient au canton d'Argovie.
On voit encore près du mur de soutènement du jardin, à l'est, les dalles tombales de plusieurs anciens châtelains. Elles ont été posées ici en 1931, après avoir été enlevées de l'église de Gränichen. La plus vieille d'entre elles est celle de Jean Rodolphe Graviseth (1698-1772) et de son épouse Catherine de Luternau.
1660 Conrad Meyer
Herrliberger 18e
1798 Joh. Balthasar Bullinger
1840 Joh. Friedrich Wagner
Vue aérienne de 1940
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