Autres vues aériennes de Tschüpru

La graphie de Tschüpru a varié : Chüpro, Chipron, Tscheprun, Tschupru, Tschouprü... Le corps enseignant fribourgeois de langue française a certainement rencontré pour la première fois ce nom bizarre dans un livre de Mgr Eugène Dévaud - professeur à l’Université de Fribourg et ancien directeur de l’Ecole normale d’Hauterive – intitulé Pédagogie du Cours supérieur, Librairie de l’Université, 1935. Le pédagogue Dévaud, insistant sur la nécessité d’une école primaire ancrée dans le milieu local - point de départ d’un enseignement qui va s’ouvrir au monde - affirme que le petit Fribourgeois appartient à un endroit précis : Auboranges, Ferpicloz, Tschouprü, l’Intyamon...

Tschüpru est un hameau de la commune de St-Silvestre. On y jouit d’un superbe panorama. A côté de bâtiments agricoles, dans un jardin soigné, on peut admirer le château magnifiquement entretenu.

Dans l’Emulation, en 1854, est rapportée une légende relative à l’origine du château de Tchüpru. En voici un résumé :

Dans l’ancien temps, arriva de bien loin un chevalier inconnu, monté sur un destrier fatigué. Il était d’une noble stature et d’une race illustre. Il regarda autour de lui et bâtit un château sur les bords de l’Aergera. (Peut-être les ruines de l’ancien château de Tinterin ?) Ses enfants se dispersèrent dans la contrée et ils bâtirent trois châteaux : Tscherlun, Tscheprun (Tchüpru) et Tscherlan, les trois situés sur le territoire de St-Silvestre.

Le château actuel de Tchüpru a vraisemblablement remplacé en 1770 un manoir beaucoup plus ancien. A Tscherlan, il n’y a plus de château. Celui de Tscherlun, inhabité pendant plusieurs siècles, sert d’habitation au fermier, lit-on dans l’Emulation de 1854. Les lieux-dits de Tscherlun et Tscherlan ont subsisté. Tscherlun est devenu Tscherlu. Sous Bilder, site Internet www.stsilvester.ch, sont présentés notamment le château de Tschüpru et la ferme de Tscherlu aux assises et à la carrure d’un autre temps.

Les fiches qui figurent dans le dossier Tchüpru aux Archives de l’Etat de Fribourg livrent divers renseignements sur les propriétaires successifs de Tschüpru. A l’origine, on trouve le comte de Tierstein, qui a cédé au 15e siècle de vastes propriétés à Fribourg, et aussi l’abbaye d’Hauterive et l’Hôpital de Fribourg.  Quelques dates, en rapport avec des temps moins lointains :

• 1770. construction du château actuel
• 1778. Mme la colonelle Angélique Laurence Uffleger, née Montenach, reçoit le domaine de Tchüpru en partage.
• 1824. les Rédemptoristes  - qui occupaient La Valsainte depuis 1818 - se retirent à Tchüpru. Ils sont aussi appelés Liguoriens, leur fondateur étant St Alphonse de Liguori.
• 1825. François Maillard, de Hennens à Tschouperon (Tchüpru), vend le château avec le verger, le four et le pressoir à la Congrégation du St-Rédempteur (Rédemptoristes ou Liguoriens).
• 1839. Tobie-Nicolas Fivaz, prévôt de Saint-Nicolas, achète Tchüpru aux Liguoriens.
• 1897. la commune de St-Silvestre installe son école primaire au château deTchüpru ; la commune en fera l’acquisition en 1906. 
• En 1959, le château est devenu la propriété de la famille bernoise Massara ; en 1982, de la famille soleuroise Baumgartner et en 2000, de la famille zougoise Brandenberg.

Les Nouvelles Etennes fribourgeoises de 1924 nous apprennent que l’écrivain français Etienne de Senancour a vécu un certain temps au château de Tschüpru au temps de la Révolution française. Le célèbre auteur d’Obermann avait épousé le 13 septembre 1790 Marie-Françoise Daguet. Les jeunes époux s’étaient provisoirement établis à Agy près Fribourg, hébergés par la famille Daguet. Leur fille Eulalie, née en 1791, et leur fils Florian-Julien, né en 1793, ont été placés en nourrice à St-Sylvestre. Une anecdote : lorsque, après la mort de son père survenue en 1846, Eulalie revint en Suisse, elle voulut revoir sa nourrice singinoise. Tout âgée qu’elle fut, la paysanne de St-Silvestre s’en vint à pied à Fribourg. Ce fut touchant, assure un témoin de la scène, de voir la grande dame de Paris en falbalas et dentelles se jeter dans les bras de la vieille Catherine et essayer de se remémorer les mots d’une langue oubliée depuis quarante ans.

Jean-Marie Barras

Bibliographie

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