Photo par Adrian Michael (wikipedia)
Tandis que dans le Domleschg, les châteaux forts et les ruines sont assez largement répandus sur la rive droite du Rhin antérieur, on n'en trouve que peu du côté gauche, sur les flancs du Heinzenberg. Parmi ces derniers monuments, l'un des plus marquants est celui d'Obertagstein. Hardiment juché sur un piton rocheux d'accès difficile, il s'élève au pied du Piz Beverin. Ce n'est que récemment que ses ruines pittoresques ont été restaurées et consolidées; le site est maintenant ouvert au public. D'autres châteaux érigés sur les versants du Heinzenberg n'ont laissé que peu de traces visibles. Untertagstein a été transformé en manoir, il ne reste de Schauenstein aucun pan de mur, Niederrealta a servi de carrière et pour ce qui est d'autres forteresses, on ne connaît même pas leur, emplacement exact.
Ainsi donc, Heinzenberg représente l'un des plus importants châteaux forts de la rive gauche du Domleschg. Mais malheureusement, ses vestiges se délabrent de plus en plus et s'abaissent fortement depuis quelques décennies. L'imposante tour, qui en 1930 comptait encore six étages, n'est plus qu'une modeste souche. Combien sont-ils d'ailleurs les châteaux grisons menacés d'un sort semblable?
Les ruines de Heizenberg occupent un large éperon rocheux, en contrebas du village de Präz. On jouit d'ici d'un vaste panorama, s'étendant à tout le Domleschg et aux vallées avoisinantes. Côté montagne, un profond fossé, élargi artificiellement, rendait l'approche du château extrêmement difficile. D'importantes parties de la cour disparaissant sous les décombres, le visiteur ne peut plus voir grand-chose de nos jours. Un mur d'enceinte de plan irrégulier clôturait tout l'ouvrage. Entièrement disparue, l'entrée devait se trouver dans le secteur nord où, aujourd'hui encore, un sentier donne accès à l'intérieur du château. Il semble que la partie sud ait été occupée par un grand complexe de bâtiments, mais aussi longtemps que des travaux de dégagement n'auront pas été entrepris, il sera impossible de reconnaître quels furent exactement les rapports architectoniques des différentes bâtisses. On trouve également dans ce qui est resté de la partie sud de l'enceinte quelques indices permettant de supposer qu'une construction couverte d'un toit se trouvait à cet endroit. D'étroites meurtrières percées les unes au-dessus des autres semblent indiquer l'existence d'une habitation de plusieurs étages. Des joints visibles dans le mur d'enceinte prouvent qu'elle a été remaniée et surhaussée à plus d'une reprise. Nous l'avons déjà dit, il ne reste de la tour, la partie la plus intéressante des vestiges, qu'une souche basse, atteignant encore la hauteur du deuxième étage. Selon d'anciennes descriptions, les étages disparus comprenaient des fenêtres munies de niches-repos, une porte donnant sur un hourd et des cloisons de bois. La tour, couronnée de créneaux, devait être coiffée d'un toit en bois. On peut encore voir sur le parement intérieur de ce qui reste de cet ouvrage des inscriptions rougeâtres; selon les dates demeurées lisibles, elles remontent en partie au XVIIIe siècle, ce qui prouve qu'au début des temps modernes, donc avant que ne soient nés au XIXe siècle l'ère romantique et en particulier l'engouement d'aucuns pour les vieux châteaux, les ruines de Heinzenberg attiraient déjà les esprits curieux.
Le nom de Heinzenberg doit probablement son origine à un ancien lieu-dit du voisinage, dont l'appellation fut donnée au château lors de sa fondation. L'importance que prit cette forteresse en tant que centre d'une vaste seigneurie, s'étendant sur une grande partie du versant gauche du Domleschg, ressort du fait que tout le flanc de la vallée fut plus tard dénommé «Heinzenberg».
Alors que les autres châteaux de cette région semblent avoir formé le noyau de petites seigneuries territoriales, la forteresse de Heinzenberg fut, elle, le cour du territoire de la rive gauche du Domleschg dominé par les Vaz, en quelque sorte le pendant du château d'Alt-Süns, siège centrai de leurs domaines du versant droit. On suppose que les seigneurs de Vaz ont érigé l'ouvrage de Heinzenberg vers le milieu du XIIIe siècle, ce que semblent corroborer les éléments les plus vieux encore existants.
On ne sait qui résida à Heinzenberg à l'époque des seigneurs de Vaz. En 1337, après la mort de leur dernier représentant, le château et la seigneurie passèrent par voie de succession aux comtes de Werdenberg-Sargans; ils furent toutefois vendus en 1383 déjà à Ulrich Brun de Rhäzüns, beau-frère de Jean de Werdenberg. C'est de cette époque que date un texte faisant mention des cens que les sujets devaient verser à leur seigneur. Vers 1450, un litige surgit à propos de la succession de la famille de Rhäzüns; lors de son règlement, le château de Heinzenberg fut attribué par la cour impériale de Rottweil à Ursule de Hohenberg, née de Rhäzüns.
En 1452, pendant la guerre du Schams, la forteresse de Heinzenberg subit, avec d'autres, les contrecoups de l'insurrection de la population du Domleschg contre la dynastie des Werdenberg-Sargans. Bien que prise d'assaut par les rebelles, elle ne fut pas entièrement détruite, même si ses biens meubles furent pillés et la cuisine et les caves vidées de leurs provisions. Après la conclusion de la paix, le château semble s'être trouvé dans un bien triste état. S'ils avaient ébranlé l'empire des comtes de Werdenberg-Sargans, les troubles du Schams ne l'avaient toutefois pas renversé. Par Anna de Rhäzüns, épouse de Jörg de Werdenberg-Sargans, la seigneurie de Heinzenberg parvint à la dynastie des Werdenberg et fut inclue dans le complexe des biens qu'elle possédait dans le Domleschg. Par la suite, Jörg de Werdenberg adopta le titre de «baron de Ortenstein et Heinzenberg». Il installa un intendant au château et on sait que plus tard, un bailli siégea aussi à Heinzenberg.
En 1475, Jörg de Werdenberg aliéna à l'évêque de Coire ses seigneuries de Thusis et de Tschappina, mais conserva la forteresse de Heinzenberg. Après l'extinction des comtes de Werdenberg-Sargans, au début du XVI siècle, elle semble avoir connu une période d'incurie et être peu à peu tombée en ruine.
Photo par Adrian Michael (wikipedia)
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