On trouve dans le secteur inférieur de la Basse-Engadine, entre Sent et Martinsbruck, les vestiges de plusieurs châteaux forts, dont la tradition écrite ne fait toutefois que rarement mention. Ainsi, aucun texte ne parle de la tour d'habitation de San Peder, près de Sent, ou des deux châteaux de Serviezel proches de Ramosch, resp. de Martinsbruck. Les plus vieux écrits dans lesquels apparaît l'ouvrage de Ramosch - la forteresse la plus importante de la Basse-Engadine en aval de Tarasp - ne nous fournissent eux non plus aucune indication précise. Le nom de Tschanüff dérive probablement de «Casa nova» (maison neuve), mais il n'est employé qu'à partir de l'époque postmoyenâgeuse et ne dit de ce fait rien des origines du château. Dans les textes du Moyen Age, la forteresse porte toujours le nom de Ramosch, donc du village qui lui est proche.
Ses imposantes ruines se dressent sur un promontoire rocheux conique du flanc gauche de la vallée, au bord d'un profond ravin. Côté montagne, le château était protégé par un large fossé. Au cours des ans, le sol morainique peu stable sur lequel fut bâtie la forteresse s'éboula plus d'une fois, surtout à l'ouest, du côté délimité par le ravin. C'est sans doute la raison pour laquelle le château fut abandonné au XVIIIe siècle. Entre-temps, toute la partie occidentale du site s'est écroulée dans l'abîme.
De nombreux joints et des parties de murs ne s'accordant pas entre eux semblent indiquer que la construction de cet ouvrage n'est pas allée sans difficultés; seules des fouilles pourraient apporter un peu de lumière à ce sujet. Certains éléments de la partie occidentale de l'enceinte, de plan irrégulier, doivent avoir appartenu à la construction initiale. L'imposant donjon situé au nord de l'ouvrage et quelques parties du corps de logis méridional ont probablement vu le jour au cours d'une seconde phase de construction, entreprise semble-t-il vers le milieu du Mlle siècle. Tous les autres bâtiments sont tardifs et ont été érigés en plusieurs étapes. Certains d'entre eux ne datent que du XVIe ou du début du XVIIe siècle.
L'ouvrage de Ramosch comprend un château central, avec tour, enceinte, corps de logis et annexes, et un avant-château situé au midi. L'enceinte qui clôture ce dernier présente différentes épaisseurs; elle a dû être érigée à diverses époques. Les deux étages inférieurs de l'habitation renferment des pièces voûtées, vraisemblablement aménagées à la fin du Moyen Age. L'entrée pratiquée dans la partie médiane permettait de passer de l'avant-château dans la cour intérieure de l'ouvrage central; un passage voûté se trouvait juste derrière la porte. Les constructions les plus récentes recèlent les restes d'un crépi agrémenté de sgraffites.
Ce qui frappe tout particulièrement dans cet ouvrage, c'est une sorte de tour greffée sur la face occidentale du corps de logis. Il s'agit en fait d'un double mur-bouclier très élevé qui servait à couvrir l'habitation contre les tirs venant de l'autre côté du ravin. Le mur-bouclier initial n'avait que trois mètres d'épaisseur. C'est la raison pour laquelle il fut renforcé plus tard - sans doute après l'apparition des armes à feu - par un second mur et prit ainsi l'aspect d'une tour carrée; et pourtant, toute cette construction est faite de murs massifs.
Les imposants vestiges de Ramosch reflètent une histoire mouvementée. Il n'est pas possible d'établir clairement à quelle date fut fondée la forteresse. Ce qu'on sait, c'est qu'en 1256, le comte Meinrad de Tyrol autorisa un certain Nannes de Ramosch à édifier un château en Engadine. On a toujours mis le château de Ramosch en liaison avec ce document et conclu que l'ouvrage avait dû être fondé en 1256. Ce qui n'est certainement pas le cas, car il est impensable que les plus vieux éléments de Ramosch aient vu le jour seulement après 1250. Trois conclusions pourraient être tirées du document en question: Ou bien son texte ne se rapporte-t-il pas à Ramosch, mais à un autre château des environs (par exemple à celui de Serviezel), ou bien la construction d'un château n'avait pas trait à un nouvel ouvrage, mais simplement à l'agrandissement d'un bâtiment déjà existant; dans ce cas, les vestiges de Ramosch pourraient être mis en liaison avec le texte de 1256. Enfin, il n'est pas exclu que Nannes de Ramosch n'ait jamais fait usage de l'autorisation de construire qui lui avait été accordée.
Les sires de Ramosch apparaissent au XIIe siècle déjà dans les documents, en qualité de ministériaux de l'évêque de Coire et des seigneurs de Tarasp. La forteresse de Ramosch leur appartenait en propre, ce qui ressort d'un contrat de partage de leurs biens patrimoniaux daté de 1317. Après le milieu du XIVe siècle, une grave querelle fratricide éclata entre Schwiker et Conrad de Ramosch. Le duc Léopold d'Autriche parvint à la régler en 1356 et, en compensation, demanda que le château de Ramosch lui demeurât toujours ouvert. Les deux bagarreurs ne tardèrent cependant pas à reprendre leurs luttes et en 1367, Schwiker poignarda son frère Conrad. Ce fut pour le duc d'Autriche l'occasion de déclarer échue la propriété de Schwiker et de mettre la main sur Ramosch. II inféoda le château à Ulrich de Matsch et en 1369, le fils de Conrad aliéna à ce dernier les droits qu'il détenait encore sur Ramosch. Cette extension de la puissance des Matsch, soutenus par l'Autriche, contrecarrait toutefois les plans de l'évêque de Coire. Des dissensions, dont on ne connaît pas exactement la nature, surgirent entre les deux partis et après quelque temps, l'évêque réussit à s'emparer du château. En 1394, il obligea les Matsch à lui céder leurs droits, moyennant une indemnité. L'Autriche ne l'entendit toutefois pas de cette oreille et procéda en 1403 à une nouvelle inféodation des Matsch, qui d'ailleurs avaient en 1395 déjà assailli et pillé le château.
Vers 1415, les deux adversaires se montrèrent prêts à chercher un compromis. L'Autriche reconnut alors les droits de l'évêque sur les seigneuries engadinoises de Steinsberg et de Ramosch, mais s'arrogea en même temps le droit d'y trouver toujours porte ouverte. Les droits possessoires de l'évêque furent confirmés en 1421 par décision arbitrale et les Matsch obtinrent une indemnité d'un montant de 2500 marks. S'étant pris de querelle avec l'évêque, les hommes de la Ligue de la Maison-Dieu occupèrent en 1468 la forteresse de Ramosch, sans toutefois y causer de gros dégâts. Pendant la guerre dite des «Poules» de 1475 - elle mit aux prises la seigneurie des comtes de Tyrol et les Bas-Engadinois - une bataille se déroula près de Ramosch; aucune indication digne de foi ne nous dit toutefois si le château en souffrit. Ce qui en revanche est certain, c'est qu'il fut la proie des flammes en 1499, pendant la guerre de Souabe. C'est le châtelain lui-même qui y avait mis le feu, car il voulait empêcher que la forteresse tombe intacte aux mains des troupes impériales.
Après avoir été réparé, le château logea à nouveau un intendant épiscopal; c'est à lui qu'incombait l'administration de la seigneurie de Ramosch, donc de tout le secteur inférieur de la Basse-Engadine. Depuis le début du XVe siècle, les fonctionnaires installés au château exerçaient les droits seigneuriaux au nom de l'évêque, rendaient la justice et prélevaient les impôts.
Inopinément, le malheur s'abattit sur Ramosch en 1565. Mécontent d'un pacte conclu par l'évêque avec le roi de France, le peuple engadinois était en effervescence depuis quelque temps déjà et lorsque, en 1565 justement, l'évêque Thomas de Planta mourut, les gens de Ramosch profitèrent de la vacance du siège épiscopal pour accomplir un coup de force. Pendant une absence du châtelain et de son remplaçant, seize conspirateurs se réunirent de nuit dans une taverne - c'était la période du carnaval - et, après avoir choisi un chef et prêté serment de fidélité mutuelle, décidèrent de s'emparer de la forteresse. La ruse aidant, ils réalisèrent leur plan. Ils envahirent le château et le pillèrent de fond en comble, mais se gardèrent de faire le moindre mal à ceux qui s'y trouvaient. Avant de le quitter, ils y mirent le feu.
Le tribunal qui eut à les juger se montra relativement clément, eu égard sans doute au rang élevé de quelques-uns des conspirateurs. Pour autant qu'ils aient pu être découverts, les responsables furent condamnés à réparer les dégâts causés au château. La reconstruction de la forteresse représenta une lourde charge pour les Engadinois.
Pendant les troubles de 1622, le château de Ramosch fut à nouveau incendié, cette fois-ci par des troupes glaronnaises. Réparé sommairement, il fut peu à peu laissé à l'abandon. En 1740, ses murs extérieurs étaient encore intacts, tandis qu'à l'intérieur, sa décadence était avancée. De longtemps déjà, le châtelain épiscopal n'y résidait plus, mais chaque année, à la Saint-Georges, il assermentait l'ammann dans une salle du château. Certaines pièces furent habitées par le sous-bailli jusque vers 1780, date à laquelle l'évêque dut se résoudre à abandonner définitivement le château, des glissements de terrain le menaçant sans cesse d'écroulement. Les toits et toutes les pièces de bois ayant été enlevés, l'ouvrage tomba rapidement en ruine.
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