Neuchâtel : Le château de la Borcarderie (auf deutsch)

Borcarderie
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Autres vues aériennes de la Borcarderie

Pour qui suit la route de Valangin à Dombresson par le fond du Val-de-Ruz, c'est une surprise de découvrir la Borcarderie, puis son hameau, après un court passage dans un bois que les sapins assombrissent. Aux abords du ruisseau descendu de Boudevilliers, mais à distance respectueuse du torrent du Seyon, affouilleur sournois de ses rives, la maison de maîtres et ses compagnes rurales - jadis industrielles - occupent un endroit assez encaissé. L'histoire explique pourquoi ce site fut choisi, et comment il doit son nom aux héritiers de Bourcard Beujard qui possédaient une maison à la fin du XVe siècle, près des terres de Louis Borcard. Une soixantaine d'années plus tard, selon une habitude fort commune, un texte nomme déjà ce lieu « la Bourquarderie ». La succession des propriétaires n'a pas pu modifier ce toponyme de bon aloi.

Borcarderie

Borcarderie

Dès 1521, un battoir entraîné par le cours d'eau fonctionnait aux environs. Une scierie et un moulin mentionnés en 1539, furent déplacés une quarantaine d'années plus tard sur un bief aménagé artificiellement, pour tirer parti de la dénivellation existant à la Borcarderie; on tira son eau du Seyon, environ 800 mètres en amont. Ce travail fut apparemment exécuté à l'époque où le receveur de Colombier, Abraham Vuilliomier, avait peu à peu acheté la maison, la grange, les terres et surtout le droit au moulin et au cours deau, des héritiers de Pierre Besson, ses cousins ruinés et incapables de tirer parti de la concession. La vente des meubles et du bétail permit d'assurer un viager à la veuve de Pierre. Un bloc daté 1583 fait supposer que la maison fut reconstruite, comme les moulins, par Vuilliomier; le successeur par alliance, Jacques Chambrier, receveur de Valangin, reçut huit arbres du prince, en 1604, pour reconstruire la scierie, puis vingt chênes en 1614 afin de réparer les moulins.
Un contrat de location passé par Madeleine Chambrier, veuve de Pierre Hory, un autre receveur, montre qu'en 1654 il existait quatre moulins, scie et rebatte à la Borcarderie - vendue vingt ans après au trésorier général Jean de Montmollin, qui s'empressa de la céder par échange à son frère le chancelier Georges de Montmollin. On dénombrait en outre deux maisons contiguës, une cour entourée de murailles et un grenier. Le magistrat ne tarda pas à faire réparer les moulins; il profita de la présence de maçons pour faire sculpter ses armoiries au-dessus de la porte d'entrée de la tourelle. La maison devait dès lors rester la propriété de la même famille. Détail amusant, un malandrin vola, en 1678, les pommeaux d'étain couronnant le portail de la cour, signe de la noblesse du propriétaire, puis il commit le même forfait dans les propriétés voisines du Sorgereux et de Fenin. Etait-ce aussi une réaction provoquée par l'agrandissement de la cour au détriment du chemin ? Bon administrateur, le chancelier loua les quatre moulins, la scierie, l'huilière, la rebatte et la molière séparément de la grange et du domaine agricole, en précisant l'étendue des travaux d'entretien.

Borcarderie
Borcarderie

Une étape décisive dans la vie de la maison et de ses abords découla de la décision prise en 1765, par Jean-Frédéric de Montmollin et ses frères, de construire des bâtiments sur leurs terres de la Borcarderie, pour y installer une fabrique d'indiennes ou toiles peintes. La maison du haut, bientôt édifiée, fut suivie d'une manufacture démolie en 1839. A cheval sur le bief s'ajouta un bâtiment de lavage - lui aussi disparu - alors qu'un long édifice abritait habitation, grange, écurie, manufacture; un peu à part, pour des raisons de sécurité, on éleva les chaudières. Plus près de la vieille maison, le moulin du bas était flanqué d'une scierie; le moulin du haut touchait un satinage. Le protectionnisme français et la concurrence étrangère provoquèrent la fin de l'exploitation en 1817, et la disparition des locaux devenus inutiles. Deux conseillers d'Etat marquants à leur époque, Jean-Frédéric de Montmollin et son fils Frédéric-Auguste (morts en 1812 et 1836) résidèrent en été dans la maison du haut. Divisé un temps, le domaine retrouva son unité en 1855.
Sous l'impulsion de l'intendant Comtesse, mais à l'insu du propriétaire, l'endroit devint le centre de ralliement des royalistes complotant le renversement du régime républicain en 1856. Une « tournée » offerte par le paysan à ses ouvriers après la fin des fenaisons, en 1891, fut apparemment la cause indirecte d'un incendie qui détruisit la ferme; comme celle-ci et son énorme grange touchaient la maison de maîtres, les flammes détruisirent le toit et la partie supérieure de l'édifice, de nombreux papiers et des portraits de famille. La reconstruction, respectueuse de la ligne générale, permit la création d'annexes bien intégrées, à l'ouest, et surtout l'éloignement du rural, cause de la catastrophe.
La silhouette apparente la maison aux petits « châteaux » construits dans le Vignoble au XVIe siècle et au début du XVIIe. Sous un pan de toit rabattu qui réduit la hauteur du pignon, la façade sud est percée de nombreuses fenêtres, souvent à meneaux. Une seule tourelle d'escalier, polygonale, se dresse du côté oriental; elle est maintenant privée de sa destination primitive par une entrée moderne, aménagée au nord. L'ancienne porte garde toutefois son charme, grâce à un encadrement de pierre sobrement mouluré qui met en valeur les panneaux de bois horizontaux ou verticaux du vantail. Entre deux colonnettes, les armes Montmollin conservent toute la netteté de leur dessin sculpté voilà trois siècles. L'élargissement de la route a condamné les beaux arbres de jadis; il subsistait en revanche un gracieux pavillon de jardin néo-classique, ayant quatre colonnes de bois et un modeste fronton en façade, qui a été démoli à son tour lors d'un nouvel élargissement de la route.
En dépit de l'incendie, fatal à tant de souvenirs emmagasinés sous le toit, la maison conserve un salon en harmonie avec l'extérieur. Des boiseries de noyer, composées de panneaux rectangulaires de proportions diverses, sont surmontées d'une corniche animée par des denticules; ceux-ci décorent aussi les frontons séparés par de petites urnes. Des nervures moulurées limitent les nombreux panneaux carrés du plafond, alors que les éléments du parquet sont animés chacun d'une croix de Saint-André. Un poêle bleu-vert (vert de mer, disait-on autrefois), dont les frises blanches sont égayées de motifs bleus, assure le confort de la pièce éclairée par des fenêtres où l'on a inséré de petits vitraux aux armes du gouverneur d'Affry et du chancelier Georges de Montmollin.

Bibliographie

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