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Plutôt curieux, cet élégant manoir aux façades immaculées, toisant le lac par-dessus un délicieux parc à l'anglaise, avec ses arbres une fois et demie centenaires et son bassin! Curieux avec ses deux tours en forme de trapèzes, revêtues d'ardoise bleutée. Quoi? De l'ardoise ici, au pays où la tuile est reine de tous les toits?
La «francisation» de 1838
Tandis que la vigne est déjà citée ici à la fin du premier millénaire (279 perches, soit 2511 m2, en l'an 994, sous le «règne» de Romainmôtier), il faut attendre 1172 pour tomber sur une autre date bien précise: Saint-Vincent dépend alors du couvent de Bonmont.
Le domaine et le château cité alors comme «maison haute et seigneuriale», sans que personne n'indique une date de construction passe successivement dès le XVIe siècle aux mains des Lièvre et des Dufflon d'Epesses, du baron Jean Steiger, de Manfredo Balbani, bourgeois de Genève, des Riedy, de Brigue. En 1604, Jean de Dony donne Saint-Vincent au Genevois Pyrame de Candolle, moyennant une pension annuelle de 500 livres tournois.
Les Rolaz de Rolle posséderont le domaine de 1608 jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, transmis par filiations ou successions. Il y eut d'ailleurs tant d'enfants dans cette famille que le domaine fut souvent morcelé (y compris caves, galetas et pressoirs) par moitiés, quarts ou même par «tiers fruits sur des tiers de poses de vigne». On imagine les complications... Auteur d'une étude sur le domaine, Anne-Marie Thormann eut d'ailleurs cette réflexion: «Dans presque chaque génération (réd.: de Rolaz), il y aura un membre dont le but est de réunir le tout, ce qui occupe sa vie et le ruine parfois.»
En 1820, le domaine est aux mains de Frédéric Jacques Louis Millier, capitaine des Gardes suisses en France, qui fait faire des réparations au château, avant de le vendre en 1835 au Hambourgeois Vincent Rumpff, ambassadeur des Villes libres d'Allemagne à Paris. Epoque intéressante... Rumpff sera en effet le bâtisseur du Saint-Vincent moderne et «francisé». En 1838, il fait modifier son bâtiment: suppression du fronton central sur le toit, construction de deux tours trapézoïdales couvertes d'ardoises (nostalgie des paysages de France ou d'Allemagne?), aménagement d'un superbe parc de deux hectares planté de cèdres et autres essences qui y prospèrent toujours - et massifs taillés à l'anglaise. Dame: le château voisin de Vincy n'avait-il pas un beau parc à la française?
Plus encore, Vincent Rumpff agrandit considérablement le domaine, qui passera en trente années de 46 poses vaudoises à 150, dont 14 de vignes!
Veuf, sans enfants, le Hambourgeois léguera l'ensemble à sa nièce, une Hollandaise du nom de Sarah Boreel, née Langdon, laquelle le revendra en 1872 pour un demi-million de francs à Edouard Vaucher, un Neuchâtelois de Mulhouse «ministre du Saint Evangile».
Le 1er mars 1934, enfin, Mathilde Julie Louise Bersier, veuve du professeur Edouard Vaucher, vend le domaine à Henri Rolaz, l'un des vignerons du château. Prix: 180 000 francs seulement. Un prix de crise! Rolaz n'habitera jamais le château, sans confort. Il le louera seulement à des amateurs des «châtelains d'été» à la belle saison. Son fils Charles en héritera en 1960, et contribuera par des aménagements floraux à l'embellissement de la propriété.
Puis vint l'année 1968...Beau domaine, donc rentable... Mais il n'en était pas de même pour le chateau! «Quelle charge pour une famille! explique son fils Guy. D'ailleurs, nous ne l'avons jamais habité. Je crois bien que mon père lui-même n'y a jamais passé une seule nuit. Sauf peut-être une fois à la cave, avec des clients...»
Voilà pourquoi, en 1968, le château et son parc étaient vendus à M. Robert Genillard.
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