photo Paebi (wikipedia)
On est étonné de ne trouver que peu de châteaux forts dans la vaste région qui s'étend de Zurich à Wädenswil, sur la rive gauche du lac de Zurich. C'est qu'ici, la plupart des terres appartenaient au Moyen Age au Gross- et au Fraumünster, de sorte qu'il fut difficile à des tiers de fonder d'autres seigneuries. Les conditions semblent avoir été plus favorables dans la contrée proche de la zone d'influence du couvent d'Einsiedeln, où les seigneurs de Wädenswil réussirent à se créer un territoire en propre. Ils en établirent le centre au sud-est de Wädenswil, près de la route menant à Einsiedeln. Aujourd'hui encore, quelques pans de mur se dressent à l'orée de la Reidwald, sur deux pitons rocheux taillés dans une arête de brèche. A l'origine, seul existait le socle occidental, base du château seigneurial. Un fossé de plus de douze mètres de profondeur, creusé dans le roc, séparait cette construction de la colline occidentale. Toute la terre fut enlevée et le gros bloc de brèche dégrossi. Les murs du bâtiment suivaient l'arête du rocher. Mesurant par endroits plus de quatre mètres d'épaisseur, ils sont faits de blocs erratiques et de brèche extraits sans doute dans les environs. Quelques moellons angulaires sont équarris.
On met généralement cet ouvrage en rapport avec la première mention, en 1130, d'un certain Walter de Wädenswil. L'étendue des travaux de façonnage effectués sur la roche, inhabituelle dans nos régions et dans ce temps-là, l'épaisseur considérable des murs, l'abandon de la tour de plan carré et le matériel mis au jour - il ne remonte pas plus haut que la seconde moitié du XIIIe siècle - ne parlent pas pour une date de construction aussi reculée. La raison la plus plausible d'une datation remontant au XIIIe siècle, c'est la maçonnerie mégalithique, particulièrement bien conservée du côté du fossé. Partout où l'on voit encore des restes de l'ancien appareil - ils furent marqués en son temps par des morceaux de briques - celui-ci consiste en gros morceaux de pierres erratiques et de brèche. Est-ce par commodité qu'on s'est contenté, lors des travaux de restauration, de compléter le revêtement avec du matériel moindre? Si l'on date cet ouvrage d'une époque postérieure à 1200, cela ne signifie nullement qu'il n'ait pas existé auparavant déjà quelque autre construction à cet endroit, même si l'on n'en a retrouvé aucune trace. Les fouilles menées de 1901 à 1904 ayant principalement servi à débarrasser une énorme quantité de décombres et à les jeter dans la forêt, on ne saurait tirer des conclusions hâtives de ces travaux.
Selon un dessin exécuté vers 1490 par un copiste de la chronique d'Edlibach, le château seigneurial comptait cinq étages. Deux bâtiments aux murs beaucoup moins épais s'adossaient à la façade nord du château. En 1903, on a mis au jour dans la construction centrale des fragments de nervures de voûtes gothiques et d'une fenêtre à remplage; ils permettent de supposer qu'une chapelle domestique avait été aménagée au XIVe siècle. De l'ouest, on atteignait la porte en plein cintre par une rampe très escarpée. On ne sait à quel usage fut affectée la seconde annexe. Jusqu'au XVe siècle, le château seigneurial semble avoir suffi aux besoins des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem établis ici depuis 1300. Puis, vers le milieu du siècle, l'ouvrage fit l'objet d'importantes transformations. Un second socle, plus large, fut taillé dans le rocher; il mesurait entre 20 et 30 mètres de côté. C'est sur cette base que fut érigée la maison des chevaliers. Les nombreux carreaux de poêle émaillés en vert et travaillés en relief sont les témoins d'un plus grand confort. Un inventaire établi en 1550 fait état d'un «hôpital»; il n'a dû s'agir que d'une modeste chambre de malade ou d'une chambre d'auberge. Haut au-dessus du fossé, un pont reliait la maison seigneuriale à celle des chevaliers. En 1902, le puits creusé dans le fossé fut débarrassé jusqu'à une profondeur de huit mètres des décombres qui l'obstruaient. II ne fait pas de doute qu'il pourrait encore livrer d'intéressants renseignements quant à l'histoire de la construction de l'ouvrage de Wädenswil. Le puits ne put remplir ses fonctions qu'après la construction d'un mur ceignant tout le château, ce qui fut fait vers le milieu du XVe siècle. Cette enceinte mesurait 320 mètres de longueur et son épaisseur atteignait 1,2 mètre. Elle était flanquée par trois tours rondes de plan différent et par une tour d'où pouvait être surveillé le flanc nord, long de quelque 300 mètres. Au sud, on a retrouvé à l'extérieur de l'enceinte des restes de murs qui pourraient être ceux d'une lice. D'ici, un pont-levis, cité en 1489, donnait accès à la demeure des chevaliers. Les fondements de ses piliers sont conservés. Au cours des seconds travaux de fouille, exécutés entre 1938 et 1941 par des dilettantes, on ne chercha malheureusement pas non plus à déceler les traces d'éventuelles annexes de service en bois construites à l'intérieur de l'aire du château. On ne peut donc que supposer que de tels bâtiments aient une fois été adossés à la partie orientale du mur d'enceinte. Si l'on admet que les ruines d'Alt-Wädenswil ne remontent pas au-delà du XIIIe siècle, il faut bien se demander aussi quelle est l'origine des seigneurs de l'endroit. Walter de Wädenswil mentionné en 1130 est-il un ancêtre direct des futurs seigneurs? A-t-il habité ici ou quelqu'un a-t-il emprunté le nom de Wädenswil à un ouvrage plus important? Jusqu'ici, ces questions sont demeurées sans réponse. Une parenté avec les seigneurs de Rapperswil n'est pas exclue. Ce n'est qu'à partir du XIIIe siècle que nous possédons des renseignements précis sur les Wädenswil. A cette époque, ils jouissalent déjà d'une haute considération et exerçaient entre autres fonctions celles d'écuyer tranchant du couvent d'Einsiedein. La construction du château seigneurial peut être considérée comme l'expression du développement de leur pouvoir. Deux fils issus du mariage de Rodolphe II et d'Ita d'Unspunnen s'établirent sur les terres que possédait leur mère dans l'Oberland bernois. Cette branche disparut vers la fin du XVe siècle. Un troisième fils, Rodolphe III, recueillit l'héritage paternel des bords du lac de Zurich, comportant principalement des biens-fonds et des droits à Richterswil et à Wädenswil, dans les régions de Hütten, Schönenberg et Hirzel, ainsi qu'à Uetikon, sur la rive droite du lac. Par le mariage de deux filles de Rodolphe III, une partie de ces biens passa aux mains des Hünenberg. N'ayant pas de descendants mâles, Rodolphe III vendit en 1287 ses propriétés à l'ordre des chevaliers de Saint-Jean établi à Bubikon. II se réserva toutefois un droit d'habitation à vie, de sorte que les chevaliers ne purent prendre domicile à Wädenswil qu'après sa mort, survenue en 1300. Pour être en mesure de s'acquitter de leurs obligations religieuses, ils avaient besoin d'une chapelle; ils en aménagèrent une dans l'annexe du nord. Vers 1330, Wädenswil devint une commanderie autonome; elle eut donc son propre commandeur. Grâce à une politique judicieuse et à une saine économie, les six à douze chevaliers surent consolider et accroître leurs biens. Un signe manifeste de leur prospérité, c'est la construction vers 1460 d'une aile dite des chevaliers. C'est sans doute à cette date aussi que le mur d'enceinte et ses entrées méridionales ont vu le jour. En 1467, la commanderie fut placée sous l'autorité directe du grand commandeur de l'ordre en pays allemands, domicilié à Heitersheim, près de Fribourg-en-Brisgau. II se fit représenter à Wädenswil par un intendant, qui toutefois ne réussit pas à gagner les faveurs de la population. Cela arrangea fort bien la ville de Zurich car depuis le XIVe siècle, elle cherchait à étendre son pouvoir sur la rive gauche du lac. En 1342, elle avait conclu un pacte de combourgeoisie avec la commanderie de Wädenswil, où elle réussit avec le temps à imposer l'ordre juridique zurichois et à acquérir la souveraineté fiscale. A partir de 1484, seul un citoyen zurichois put encore être élu intendant séculier à Wädenswil. La décadence de la commanderie se traduisit par un nombre croissant de mises en gage et de ventes. Lorsque, pendant la Réformation, de nombreux citoyens de Wädenswil adoptèrent la nouvelle religion et que les conflits devinrent toujours plus fréquents, les chevaliers décidèrent de vendre le château à la ville de Zurich pour la somme de 20000 florins. C'était en 1549. Se sentant menacés par cette nouvelle base zurichoise, les Schwytzois s'opposèrent à la vente, mais la Diète fédérale décida que Zurich ne pouvait être obligée de l'annuler. Elle fut en revanche tenue de démolir le château, ordre qu'elle exécuta en été 1557, après qu'un nouveau siège baillival eut été construit sur une colline au sud de Wädenswil.
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