Au centre de la vallée du Rhône entre Sion et Sierre, au pied du Mont-de-Lens, se dressent de petites collines, derniers vestiges d'éboulements préhistoriques rongés par les eaux du fleuve; leur ensemble dessine, du sud au nord-ouest, un demi-arc de cercle. C'est ici, comme plus haut dans la vallée, que les premiers dynastes de Granges ont établi leurs résidences, dans une situation très forte qui leur permettait de surveiller et de contrôler la grand-route du Valais. Le bourg s'est abrité, au pied des collines, à l'intérieur de l'arc de cercle.
Il est malaisé de se représenter la réelle importance de cette localité au moyen âge. L'état des lieux était alors très différent de celui d'aujourd'hui. Le Rhône divaguait dans toute la plaine, formant de nombreuses îles; plusieurs mois par an, le bourg, cerné par les bras du fleuve ou par des marécages, était d'un accès difficile. Le lit principal passait au sud du bourg, l'isolant de Réchy et de Grône. Le cours actuel a été déterminé par la grave inondation de 1695, mais n'a été stabilisé et endigué qu'au milieu du XIXe siècle. De la grand-route du pays, qui suivait comme de nos jours le pied du Mont-de-Lens, on gagnait Granges par un chemin qui aboutissait à l'angle nord de la colline, après avoir enjambé sur des ponts les lits secondaires du fleuve.
Le trafic relevait des droits régaliens de l'évêque qui percevait des péages sur les marchandises. L'évêque affermait les soustes et les péages à des seigneurs féodaux ou à des particuliers auxquels il les remettait en fief contre l'obligation d'entretenir les chaussées.
La seigneurie et châtellenie de Granges embrassait un territoire assez considérable comprenant en outre les communes actuelles de Grône, de Lens et de Saint-Léonard; les seigneurs avaient encore d'autres possessions, à Sierre, dans le val d'Anniviers, à Morel, à Conthey.
L'origine du château principal se confond avec celle des comtes de Granges, les plus anciens comtes du Valais avec l'évêque; ils sont mentionnés dès le début du XIe siècle, avec Ulrich, oncle de l'évêque Aymon de Savoie, qui était sans doute de la famille des Rodolphiens, branche des comtes de Nyon. On constate d'étroites relations familiales entre les sires de Granges, de Bex, d'Ayent, dont les de la Tour-Châtillon seront les héritiers. Les dynastes de Granges conservent le château jusqu'à Boson, évêque de Sion, qui en fait don en 1241 à son église, tout en réservant la possession de son fief à ses héritiers. C'est ainsi qu'en 1243, à la mort de Boson, les d'Ayent obtiennent les deux tiers de l'héritage, et les sires d'Anniviers, le dernier tiers, la mense épiscopale gardant la suzeraineté. En 1244, c'est la puissante famille de la Tour qui, par héritage, prend pied à Granges. Depuis lors, l'enchevêtrement des fiefs est très compliqué, et les collines de Granges avec leurs châteaux sont réparties entre plusieurs familles qui, à l'origine, étaient toutes héritières des comtes de Granges.
Ces châteaux ont joué un rôle surtout au XIVe siècle, dans les guerres dont nous avons déjà rappelé succinctement le cours. On ignore la date exacte de leur destruction. Il semble qu'une première vague atteignit, après 1375, les propriétés des de la Tour, puis, une seconde, vers 1417, le château épiscopal des Tavelli.
photos de Fabrice Ducrest
Le château principal avec sa «poype» et ses dépendances occupait la hauteur la plus élevée au sud. Propriété des d'Ayent et des d'Anniviers dès la mort de Boson, Jacques II d'Anniviers (décédé en 1344) réunit en ses mains ce fief jusqu'alors partagé. Ses deux filles épousent vers 1355/1360, l'une un Challant, et l'autre un Tavelli à qui elle apporte la seigneurie de Granges. A la suite d'un arrangement conclu entre les deux sours en 1362, Jacques Tavelli conserve Vercorin et le château de Granges, et Béatrice de Challant reçoit la Bâtie. Dès lors, le château principal restera possession des Tavelli.
Il subsiste encore des murs importants de ce château; on peut suivre les bases du donjon formant un rectangle irrégulier. Cette tour était l'ancien manoir des comtes de Granges, appelé plus tard «tour d'Anniviers». Elle était reliée à une enceinte qui suit le haut de la crête, renfermant une cour avec des dépendances. A l'angle oriental, un bastion avec une tourelle carrée se dressait au-dessus des pentes qui actuellement s'éboulent. Un mur perpendiculaire rejoignait les fortifications à la porte sud du bourg.
Pour parvenir au château, on devait traverser tout un ensemble de constructions, de logis et de dépendances, présentant la forme d'un enclos rectangulaire: c'était le «poype» (butte).
Les châteaux détruits par les Patriotes en 1417 ne se relevèrent pas de leurs ruines. Les Tavelli reconstruisirent alors, à la fin du XVe siècle, une maison forte, à l'angle sud-ouest du bourg, pour y loger leur châtelain. La seigneurie passa en 1513, partie aux de Rovéréa, partie aux de Chevron. En 1606, la dernière héritière, Marguerite de Rovéréa, de Bex, vendit le château et la seigneurie à la Bourgeoisie de Sion, qui y tint un châtelain jusqu'à 1798. Cette maison forte existe encore; elle a été fortement transformée en 1747 et de nos jours. Elle a cependant conservé ses façades avec pignons à redents et, dans la cour, un puits couvert.
« Les plus anciens seigneurs de Granges portaient le titre de comtes, mais ce titre tomba en 1179, date à laquelle la seigneurie fut partagée entre les d’Anniviers, puis les Tavelli leurs héritiers, les Montjovet et les de la Tour-Morestel. Au XVe siècle, les Tavelli de Granges disposaient de biens immenses dans toute la région, du haut plateau de Lens, sur la rive droite, jusque dans les profondeurs de la vallée d’Hérens. En 1606, leur héritière vendit château et seigneurie à la bourgeoisie de Sion, qui les garda jusqu’à la révolution en 1798. » (DHBS, p. 363)
« Le château des Tavelli : Au couchant du village de Granges, et dans un endroit solitaire, se trouve encore aujourd’hui, assez bien conservé, le manoir des seigneurs Tavelli ». Il remplaça l’ancien château que ces seigneurs de Granges et de Bex possédaient sur la colline et qui fut, en 1366, détruit par les gens du pays en guerre avec les de La Tour, qui revendiquaient à raison ou à tord des droits sur ce fief. (Solandieu, 1912, p. 127)
“A l’autre extrémité du village, au couchant, se voit le château neuf des derniers seigneurs de Granges, les Tavelli, où le châtelain de la ville de Sion tenait ses assises. » (Tamini & Quaglia, 1942, p.36)
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