autres vues aériennes de Thusis
Avec le temps, les citadelles-églises rhétiques du haut Moyen Age connurent des sorts bien changeants. Grepault, près de Truns, a été abandonnée avant le début de notre millénaire, Mesocco s'est muée en une forteresse seigneuriale, Steinsberg, près d'Ardez, a été réduite à un petit château féodal. A Paspels-Sankt-Lorenz, seule l'église est encore debout, tandis qu'à Solavers et à Jorgenberg, à Cästris, San Parcazi et Hohenrätien, des zones d'habitation virent, certes, le jour à l'intérieur des secteurs fortifiés, mais elles ne portèrent atteinte ni aux districts sacrés ni à leurs fonctions de refuges.
Les vestiges de Hohenrätien se dressent sur un haut et large plateau rocheux derrière Thusis, juste au-dessus de l'entrée des gorges de la Via Mala. Du fond de la vallée, un sentier escarpé mène à la crête orientale du site. On distingue encore quelques traces du chemin qui à l'origine reliait cette crête à l'entrée ménagée dans l'angle nord-est de l'aire du château. Côté ouest, une large terrasse précède l'ouvrage; sur ses bords, une énorme paroi rocheuse tombe à pic jusque dans les gorges du Rhin. C'est cette imposante falaise qui a sans doute donné naissance à la légende du dernier châtelain, une légende dénuée de tout fondement historique. Fuyant la colère de son peuple révolté, ce tyran qui, avec son cheval, s'était réfugié sur le mur d'enceinte, se serait jeté au bas de la falaise pour échapper à ses ennemis.
Les vestiges de ce vaste ouvrage défensif se divisent nettement en plusieurs secteurs; tous ne se trouvent cependant pas dans le même état de conservation. Le domaine sacré, situé au nord-est, abrite les ruines de l'église Saint-Jean-Baptiste, les maigres restes d'un mur de cimetière et les traces de bâtisses qu'il n'est plus possible d'identifier. De l'entrée primitive, seuls sont demeurés quelques tronçons de mur. L'église consiste en un vaisseau à nef unique et en un choeur de plan carré jadis voûté. Les amorces d'un toit dans le parement extérieur indiquent qu'à l'origine, un petit porche se trouvait à cet endroit. Le campanile, auquel on accède par une étroite porte, est bien conservé. Le sanctuaire doit son aspect actuel à une suite de remaniements effectués aux époques romane et gothique. Il est possible qu'il ait remplacé une construction antérieure, qui pourrait remonter au haut Moyen Age.
Une tour de plan carré se dresse à quelque dix mètres de l'église, du côté ouest. Des embrasures de fenêtres et de portes tardives, pratiquées au XIVe siècle lorsque l'église fut remise en service, ont gravement entravé son caractère médiéval, sans toutefois l'effacer complètement. On distingue encore sans peine les deux portes surélevées ménagées aux deuxième et troisième étages, ainsi que les meurtrières et les âtres primitifs.
depuis la vallée
Le domaine défensif extérieur de l'ouvrage était clôturé par un mur d'enceinte, dont il ne reste que de maigres traces. Une tour carrée était adossée à l'intérieur de son angle sud-est; il en subsiste une muraille. Les vestiges de latrines en saillie attestent que ce bâtiment fut lui aussi habité, du moins temporairement.
Le secteur défensif intérieur se trouvait à l'angle ouest du site. Une tour rectangulaire aux murailles étonnamment minces en marquait le centre. Autre particularité peu commune de ce monument: son entrée aménagée dès l'origine au niveau du sol. En examinant plus attentivement les murs de cette construction, on remarque qu'elle doit son profil de tour à un surhaussement tardif. Initialement, c'était une simple maison de pierre à deux étages coiffée d'un toit en bâtière peu incliné; son pignon se dessine encore nettement dans la maçonnerie. Il vaut la peine de s'arrêter un peu plus longuement à ce bâtiment, car il doit remonter à la fin du XIe siècle et compter de ce fait parmi les plus vieilles habitations de notre pays conservées jusqu'à la hauteur de leur toiture originale. Il fut surélevé de trois étages au Me siècle; c'est de cette époque que datent la cheminée fort bien conservée et son condint de fumée terminé en forme de cône. Les autres constructions ayant laissé des traces dans le secteur défensif intérieur n'appartiennent qu'aux XIIIe et XIVe siècles. A l'angle occidental de l'enceinte, on trouve quelques vestiges d'un corps de logis, à l'angle septentrional, les ruines d'un petit bâtiment dont le rez-de-chaussée était surmonté d'une voûte en berceau; il s'agissait fort probablement d'une annexe, peut-être d'une écurie. Il n'est resté de l'enceinte intérieure qu'une ou deux traces de murs.
On procède depuis quelque temps à la réfection progressive de l'ouvrage de Hohenrätien, qui pendant longtemps fut abandonné à son sort et dont les vestiges risquaient de disparaître à tout jamais. De nos jours, quelques bâtiments en ruine sont à nouveau couverts d'un toit.
L'histoire du château de Hohenrätien comporte quelques points obscurs. Le nom de Hohenrätien est dû à l'invention de quelques savants humanistes du XVIe siècle, qui virent une relation entre ce site et Raetus, l'ancêtre légendaire des Rhètes qui peuplaient le pays grison avant l'époque romaine. Autant cette assertion est-elle insoutenable, autant sommes-nous frappés par le fait que non loin de Hohenrätien, à Carschenna, on a découvert des dessins rupestres qui attestent l'existence à cet endroit d'un centre cultuel préhistorique pouvant remonter à l'âge du fer.
Il n'est pas impossible que l'ouvrage défensif ait tiré son nom initial du patron de son église, saint Jean-Baptiste. Jusque vers la fin du Moyen Age, les gens du pays donnèrent au château le nom de «Pierre de Jean» ou autre nom de ce genre. Le sanctuaire de Hohenrätien servit d'église paroissiale à toute la région de la rive gauche du Domleschg; même les morts devaient être hissés sur cette haute vire pour y être enterrés. En cas de guerre, la population trouvait un refuge dans le vaste enclos extérieur. On pense que les deux tours érigées à l'intérieur de cette enceinte servirent de demeure permanente ou temporaire à des familles d'un certain rang. Celle qui est la plus proche du sanctuaire fut-elle la cure? Rien ne permet de l'affirmer.
Le registre des biens épiscopaux de 1410 fait état d'une forteresse du nom de «Hoch-Rialt» et dit qu'elle était délaissée et en ruine. Il est fort probable que cet ouvrage soit identique à celui compris dans l'enceinte intérieure de Hohenrätien, qui avait tout d'un château fort féodal indépendant et fut habité en permanence. Ce nom évoque les seigneurs de Rialt qui, entre le XIIe et le début du XIVe siècle, font l'objet de plus d'une mention dans les documents. Ils semblent avoir été parents des seigneurs de Massein, établis au château de Heinzenberg, au pied duquel se dressait le château patrimonial de ces lignées, Niederrialt. Tout près de là se trouvait une ferme nommée Realta. Ministériaux de l'évêque de Coire, les seigneurs de Rialt exercèrent diverses fonctions dans le Domleschg. Après leur disparition, au début du XIVe siècle, les châteaux de Hoch- et de Niederrialt furent abandonnés à leur sort et tombèrent en ruine.
(Photo par Ruedi Jecklin) (wikipedia)
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