Sans doute Malessert qui a donné son nom à un lieu-dit de Perroy figurant sur les panneaux routiers - n'est-il plus tout à fait ce qu'il était jadis: une magnifique résidence avec jardins à la française et parc savamment arborisé. Et puis, on passe en trombe devant sa façade, presque léchée par la route... C'est que, ici comme ailleurs, la reine Circulation a tranché dans le vif au pied de la belle demeure très XVIIIe siècle: la route de L'Etraz coupe en deux la propriété. En outre, lorsque, dans les années soixante, Sa Majesté Autoroute a été juchée sur son trône de bitume, le domaine agricole (25 poses) fut considérablement remanié.
Mais qu'importe: finalement, Malessert reste l'un des châteaux les plus prestigieux de La Côte, par la renommée de ses crus comme par la richesse de son histoire.
En fait, ce sont cinq propriétaires successifs c'est peu, en dix siècles qui ont fait de Malessert ce qu'il est aujourd'hui.
On suppose que le Clos de Balgel (ou Bougel), le futur Malessert, fut donné en 996 par le prêtre Marin au couvent de Romainmôtier, lequel posséda, on le sait, bien d'autres domaines en Pays de Vaud.
Ce qui est certain, c'est que Malessert (étymologie probable: «mal essert» mal défriché), comme tous les biens religieux, fut saisi dès 1536 par LL. EE., qui répartissaient leurs conquêtes entre les patriciens bernois. C'est justement Jean-François Naegeli, conquérant du Pays de Vaud, qui devint propriétaire du domaine. Le reçut-il «en reconnaissance des services rendus» ou en payant 300 couronnes d'or «au soleil»? La question n'a pas été tranchée. Toujours est-il que cet avoyer de Berne, né à Aigle, eut dix-sept enfants en deux mariages, et que l'une de ses filles, Magdeleine, reçut Malessert en dot à son mariage avec l'avoyer jean de Steiger.
Beau, riche et fort considéré, ce dernier n'en mourut pas moins d'une chute de cheval en janvier 1581. Ce qui permit à sa veuve d'épouser un autre avoyer, Jean de Watteville. Ainsi, Malessert entrait en possession de cette grande famille qui avait déjà bien d'autres domaines à La Côte!- pour y rester jusqu'en 1807. En tout dix générations étalées sur 225 années.
C'est à Jean-David de Watteville de Malessert (1740-1804) que l'on doit la transformation complète de la propriété; vivant ici à l'année, exploitant lui-même ses vignes, il fit de l'ancienne maison forte avec tourelle centrale et cour ceinte de murailles la demeure patricienne que l'on connaît aujourd'hui. Il fit dessiner des jardins à la française au sud du château, avec de belles allées symétriques, des alignements d'essences rares, des rotondes et des escaliers, «Dont les vestiges, écrivait en 1959 Paul Eynard dans son historique du château, confèrent à Malessert ce charme désuet propre aux vieilles campagnes de La Côte.»
On notera un plan de 1772 le confirme que rien ne se fit au détriment des vignes (17 poses): elles furent regroupées au nord de la route de L'Etraz, prés, champs et jardins (21 poses) étant répartis au sud. Les anciennes caves furent désaffectées au profit de nouvelles, aménagées dans l'aile est.
En exploitant avisé, Jean-David «de Malessert» communiquait régulièrement à la Société d'agriculture de Berne les résultats de ses récoltes. Les archives recèlent un mémoire récapitulant les vendanges de 1694 à 1772, où l'on découvre les heurs et malheurs du propriétaire. Malheurs en 1710 (4,8 chars = 3208 litres de vin, à la suite de terribles orages) et heurs en 1719 (106 chars = 73 000 litres de vin, superbe année). Que de variations dans les quantités vendangées, à cause de la météo... Mais cela a-t-il vraiment changé, si l'on compare les récoltes de 1978 (insignifiante) et de 1982 (énorme) en Pays de Vaud?
En 1807, les enfants de Jean-David vendirent Malessert 87 000 francs au Neuchâtelois Paul de Coulon-Nicola, fils de Louis-Auguste Coulon-de Menton (voir château d'Eclépens). En 1872, les Coulon cédèrent le domaine au Vaudois Edouard Frossard de Saugy. Prix: 375 000 francs.
Le père de ce dernier, Alexandre Frossard de Saugy, possédait le domaine de Vinzel avant son partage. Tandis qu'il aida son fils cadet Edouard à acquérir Malessert, son fils aîné Alfred héritait du château La Bâtie. Mais Alexandre de Saugy (1791-1880) est surtout connu pour son oeuvre en faveur de la viticulture vaudoise. En 1874, il publia notamment son «Guide du vigneron et du propriétaire de vignes à La Côte», qui fit longtemps autorité au point de vue technique et économique.
Jules et Alexandre de Saugy, les fils d'Edouard, lui succédèrent à Malessert. (voir aussi www.malessert.ch)
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