Jura : le château de Spiegelberg ou de Muriaux - (auf deutsch)

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Ruine du château de Spiegelberg ou de Muriaux
Gravure de J.F Wagner 1838

L’histoire de ce castel est entourée d’une profonde obscurité. Quelle est l’origine du Spiegelberg ? Par qui a-t-il été bâti ? Comment cette forteresse est-elle parvenue aux prince évêques de Bâle ? Ce sont là autant de questions que les documents ne parviendront pas à établir d’une manière claire et certaine.
Quelques traditions et documents pourront nous donner un peu de clarté sur ses commencements.
Il est fort probable que les Romains avait implanté une vigie sur cette arrête. Quelques monnaies du deuxième siècle ont été découverte dans le voisinage ( Les Pommerats et Muriaux ) .Les lieux dits " Sous la Velle, et sur la Velle" indiquent l’emplacement d’une station militaire sur l’ancienne voie des Fées ou de la Dame. Il subsiste encore quelques traces de cette ancienne voie étroite, avec des ornières taillées grossièrement dans la roche. Ceci dit, comme la région était à cette époque très inhospitalière, hiver très rigoureux est long, rares étaient les personnes courageuses à s’aventurer et à s’établir sur ce haut plateaux infestés d’animaux sauvages.
Un historien neuchâtelois le pasteur Boyve dit, sans indiquer ces sources, que le plateau des Franches-Montagnes était compris dans la donation que fit, à l’évêque de Bâle, Rodolphe III, roi de la Transjuranne, en 999, de l’abbaye de Moutier-Grandval et de ces dépendances, avec le consentement de l’empereur Othon III, en l’an 1000, et la délimitation du territoire dont l’évêché fut doté par suite de cette donation, fut opéré en 1002.
Le don de Rodolphe III, à l’Evèché de Bâle, de l’abbaye de Grandval et de ses dépendances, ne conférait pas précisément le don de propriété à l’évêque de Bâle, mais celui de souveraineté. Parmi ces propriétaires étrangers au monastère de Grandval, on doit surtout nommer les comtes de Fénis-Hasenbourg-Neuchâtel, issus de comtes d’Oltingen, possesseurs de vastes domaines près de Bienne, de Neuchâtel et jusque fort avant dans la contrée de Berne et de Fribourg, et même temps qu’ils possédaient de vastes domaines dans les Franches-Montagnes et jusqu’en Ajoie ou ils bâtirent le château d’Asuel
Tout en devenant seigneurs territoriaux des Franches-Montagnes, les évêques de Bâle durent laisser aux comtes de Fénis-Neuchâtel la jouissance des domaines dont le roi Rodolphe III avait fait don à l’église de Bâle.
Cette date de l’an 1002 concorde donc avec le don du dernier roi de la Transjuranne à l’église de Bâle et semble justifier une antique tradition concernant les comtes de Neuchâtel, ils venaient dans ce petit castel qu’ils auraient remanié d’une manière simple, mais bien protégé, pour s’adonner au plaisir de la chasse.
Il n’y a rien d’improbable dans ce souvenir traditionnel. En effet à la fin du onzième siècle le siège de Bâle fut occupé par Bourkard d’Hasenbourg, issu des comtes de Fenis-Hasenbourg-Neuchâtel. Cet évêque est connu dans l’histoire sous le nom de Bourkad d’Asuel ou d’Hassenbourg. C’est lui qui a donné à son église le château et la seigneurie de ce nom. Cette seigneurie s’étendait sur la partie orientale de l’Ajoie ou Elsgau, sur la partie occidentale de la Vallée de Delémont, et elle avait des droits et des terres dans les Franches-Montagnes. Ce serait là la véritable origine de droits et seigneur que possédait l’Eglise de Bâle sur ce haut plateau. Les princes-Evêques de Bâle auront bâti ou agrandi le château de Spiegelbeerg qui sera plus tard une forteresse importante et le centre de la juridiction de ces souverains sur ce pays.
Bien avant les grands défrichements de la Montagne des Bois, la forteresse de Spiegelberg se dressait fière et menaçante sur cette arrête surplombant le Doubs. C’était une importante vigie, aisément défendable et difficile sinon impossible à surprendre. Du haut de ses tours, on dominait les châteaux de Cugny, de Franquemont et de Chauviliers. Appelée alors le château de Muriaux, Murival, Mirival Murval ou Merveaux, (de 1382 à 1473 La Franche-Montagne de Muriaux) de mirer, regarder et val : désignation allemande Spiegelberg, elle était devenue la résidence d’une famille noble qui prit bientôt le nom de Spiegelberg. Les évêques de Bâle avaient inféodé ce manoir à ces nobles qui, dans le principe, devaient être leurs représentants sur ce haut plateau et garder l’accès de la Principauté de ce Côté. Au XIVe siècle ces nobles prirent pour armoiries un écu d’or à six montagnes de gueules posées trois et trois surmontées d’un miroir d’argent (Spiegel) bordé de sable. Ces armoiries sont devenues plus tard, celle du district actuel des Franches-Montagnes au 18e siècle.

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Au pied du puissant manoir quelques colons avaient élevé quelques rares masures, sous la protection des maîtres du château. Ils commencèrent à défricher péniblement ce sol ingrat et rebelle. Cette colonisation fut l’origine de la commune de Muriaux. Les nobles de Spiegelberg exercèrent un certain rôle dans les fastes de l’Evêché. Le premier noble qui figure dans les actes, et Cuenin ou Conon de Mireval, qui possédait de nombreuses propriétés en Ajoie.
Cet acte le mentionne le 27 avril 1315, qualifié de chevalier et témoin dans un jugement arbitral prononcé contre Bourquin de Montignez par l’abbaye de Ballelay.
Ce Conon ou Cuenin de Mireval ou de Spiegelberg eut cinq fils et une fille. Ulrich, chanoine de St-Ursanne, Jean Imier le vieux, Henry et Imier le jeune. La fille dont on ne connaît pas le nom, avait épousé Henri de Bassecourt.
Le 9 juin 1315 Imier de Spiegelberg, fils de Conon, rend à son frère Ulrich, le chanoine tous les biens qui lui sont échus de la succession de son père ou de sa mère, que se dernier avait données précédemment au premier. La mère d’Ulrich, Marguerite, avait également son mortuaire à Lucelle.
Conon de Spiegelberg mourut en 1320. Son anniversaire fondé dans l’église collégiale de St-Imier par son fils Ulrich, chanoine de Saint-Ursanne, pour deux sols et sept deniers, se célébrait le premier avril de chaque année.
La dernière descendance fut une fille, Kunégonde, issu de Hemmann et d’Elisabeth de Bärenfels de Bâle. Devenue veuve, d’un premier mariage avec René de Malleray, elle se remaria avec l’avoyer de Berne (Pétermann de Waberen, baron de Belp) qui fut le chef d’un contingent à la bataille de Morat. (1476) Cette union toutefois ne fut pas heureuse, elle se retira chez sa mère.
A la fin du XIVe siècle, le château de Spiegelberg était la propriété des évêques de Bâle. Comment ce château est-il rentré dans le domaine de ces prélats, il est assez difficile de le dire : On vient de voir que l’évêque de Bâle avait d’abord établi un châtelain au château de Spiegelberg, pour la protection de la contrée, puis avait inféodé cette forteresse à une famille qui en prit le nom. Il se pourrait que les nobles de Spiegelberg n’aient pas rempli leur mandats et que par leur mauvaise administration ou par leur méchanceté, ils aient engagé l’évêque de Bâle à leur reprendre ce fief et qu’alors cette famille s’est retirée à Soleure où elle s’éteignit que dans les dernières années du XVIe siècle.
Le gouvernement de ces nobles à Muriaux a pu être dur, et de là probablement l’épithète de château des Sots-Maîtres que le peuple aura donné à ce manoir.

Mais on retrouve Jean de Vienne, évêque de Bâle ( 1365-1382 ) engageant les châteaux de Saint-Ursanne, Chauvilier et Muriaux à l’amiral de France, son cousin, pour une certaine somme d’argent qu’il en avait reçu. Quand l’amiral fut rentré en possession de l’argent prêté, il rendit le château de Spiegelberg ( Muriaux ) à l’évêque de Bâle, Imier de Ramstein (1382-1386 )
D’après les actes, il paraît que la contrée dépendait de l’administration du châtelain de St-Ursanne ; en 1382, la justice pour les crimes appartenait au maire de St-Ursanne, représentant de l’évêque de Bâle. Le château changea de maître à plusieurs reprises et la contrée fut vraisemblablement désolée par les guerres des seigneurs.
On sait que de 1347 à 1349, la Prévôté de Saint-Ursanne fut partiellement dépeuplée par la peste noire. La Franche-Montagne n’aura pas échappé à cette calamité : Il fallait repeupler cette contrée presque déserte. C’est alors que le Prince-Evêque de Bâle Imier de Ramstein
eu l’idée pour repeupler la région par une lettre de franchises du 17 novembre 1384, exempta de tout impôt et de tailles, les personnes qui fixeraient leur domicile dans la partie sud de ce plateau, afin de le repeupler. Ce document donne les limites suivantes au territoire que l’évêque de Bâle gratifiait de franchises et de libertés inconnues dans les autres parties de ses Etats.
Depuis l’épine de Montfaucon, jusqu’aux bornes ou limites dites les dilles, tant en long qu’en large, et des champs de Tramelan jusqu’aux rives du Doubs. C’est dans ces limites que se sont formées plus tard successivement les paroisses de Saignelégier, les Bois, les Breuleux, le Noirmont et les Pommerats, du consentement de l’évêque de Bâle. Ce territoire fit alors partie du diocèse de Bâle, tandis que Tramelan demeura une enclave du diocèse de Besançon, dans celui de Bâle, de même les localités situées sur la rive droite du Doubs et qui dépendaient des églises placées sur la rive gauche, continuèrent à faire partie du diocèse de Besançon.
Il reste acquis que la partie orientale du plateau des Franches-Montagnes, depuis Montfaucon et le clos du Doubs, était déjà habitée, bien avant la lettre de franchises de l’évêque Imier de Ramstein de 1384. Les habitants y étaient peu nombreux, il est vrai, mais ils y avaient déjà des agglomérations qui sont désignées dans des actes. 1139 pour le village de Planei, depuis longtemps avait son église il était situé au dessous du village de St-Brais .1139 pour Montfaucon. 1177 Goumois.
Imier de Ramstein mit à son tour en gage le château de Muriaux, avec Porrentruy et Chauvilier pour 4000 florins qu’il reçu des Bâlois en 1384, et avec lesquels il avait dégagé des mains de Jean de Vienne . Le conseil de Bâle en fut propriétaire jusqu’au remboursement de l’argent prêté, c’est-à-dire jusqu’en 1388. A cette époque, l’évêque Imier de Ramstein engagea ces châteaux pour 7500 francs à Thibaud de Neuchâtel en Bourgogne.
Aussi en 1390, les gens de la châtellenie de Muriaux prennent part avec Thiébaud, et avec le châtelain de Saint-Ursanne Henri de Vaillant, à la prise du château de Montvouhay.
Humbert de Neuchâtel, évêque de Bâle, ( 1395-1418 ) laissa encore le château de Muriaux à son neveu Thiébaud, qui le retint jusqu’à l’avènement de Jean de Fleckenstein, évêque de Bâle (1423-1436)
Ce prince à la tête de 98 chevaliers, reprit en 1424, les villes et châteaux qui avaient été engagé par ses prédécesseurs. En une nuit il s’empara des châteaux de Roche d’or, Saint-Ursanne, Spiegelberg et Pleujouse.
Le comte de Neuchâtel engagea avec l’évêque de Bâle une lutte à main armée qui dura une année. (1425)
En 1426 un accord est conclu par le comte Jean de Fribourg et de Neuchâtel, par les seigneurs de Berne et quelques députés de Fribourg entre l’évêque de Bâle et le comte Thiébaud de Neuchâtel, remit Saint-Ursanne, Kallenberg et Spiegelberg entre les mains de Jean de Fleckenstein, moyennant 10.000 florins. Ne possédant pas cette somme, l’évêque dut hypothéquer ses nouveaux biens à la ville de Bâle.
En récompense de sa fidélité, le prince accordait à la Franche-Montagne de Muriaux en 1428 l’autorisation de percevoir un impôt sur les boissons (droit d’angal) et trois foires par an. La première sur le jour de la fête de Sainte Marie-Magdeleine sur le jour de la fête de saint Denys qui vient au mois d’octobre (9 novembre) et la troisième le jour de la fête de Sainte Croix qui vient au mois de mai ( 3 mai), dont le produit serait affecté à l’entretient et à la construction des chemins, pour que les marchands ou les pèlerins qui vont et viennent, puissent aller et venir sans dommage par cette région.
Le maire de Saint-Ursanne, suivant les lettres de franchises de 1429, avait le droit de juger des homicides, duels et autres méchants faits qui se faisaient à la Franche-Montagne de Muriaux.
Lorsque la chose concernait la haute justice et haute souveraineté appartenant à l’évêque de Bâle. C’était aussi le maire qui devait sceller les actes concernant les biens fonds de la commune de Saint-Ursanne situés à Muriaux.
Muriaux contribua pour sa part à la dotation de la chapelle de Sainte-Catherine qui avait été fondée en 1397 par Montfaucon à Saignelégier.
Cette dotation fut faite en 1454, en commun par le Noirmont, Saignelégier, le Bémont, la Chaux, les Pommerats, Montfaucon et Muriaux.
Muriaux s’engagea à payer chaque année au chapelain de Sainte-Catherine 10 mesures de blé avec 2 _ mesures d’avoine et 7 sols 8 deniers.
Un autre acte important fut signé à Delémont en 1595, entre le prince Jacques-Cristophe de Wartensee et les représentants des villages de la Montagne. Cet acte a été retrouvé dans les archives de Saignelégier. Il règle tous les points en litiges jusque là : fiefs héritables, dîmes, sel, poules, deniers seigneuriaux, lods, blasphèmes, coups, attaques, amendes, auberges, foires, censes foncières, etc.,etc.
Pendant la guerre de trente ans, (1636) le château de Spiegelberg fut occupé par les Suédois, puis par les Français et dévasté à tel point qu’il fallut l’abandonner.
Le châtelain de Spiegelberg fixa ensuite sa résidence à Saignelégier. Enfin, sous la Révolution, les Jacobins du pays le détruisirent de fond en comble. Ce qui restait des murailles et des fondations fut démoli peu à peu par des promeneurs peu scrupuleux et précipité dans l’abîme qui borde les ruines.
On remarquait encore, en 1840, dit M. l’abbé Sérasset les débris d’une tour carrée et d’un autre bâtiment d’environ 20m de long sur 5 ou 6 de large. On ne pouvait y arriver que par des passerelles en bois jetés sur des coupures faites à dessein dans l’arête du côté de l’orient, et par ce moyen on aboutissait à un sentier fort étroit pratiqué sur une corniche de rocher au-dessus d’un précipice. Le sentier se terminait par des escaliers creusés fort irrégulièrement dans le roc de même que la porte d’entrées du château. On voit encore les entailles de cette entrée, mais le dessus, le linteau, formé d’une grosse roche, a été jeté dans l’abîme qui borde l’entrée de ces ruines. On remarque du côté de l’ouest des restes de caves ou de prisons également creusées dans le rocher.
La crête de la montagne était coupée de chaque côté par des entailles profondes, afin d’empêcher l’approche du château. Les côtés du nord et du sud sont bordés de rochers d’une effrayante hauteur.
La vue dont on jouit du haut de ces ruines est des plus pittoresques. Elle plonge dans l’abîme où l’en contemple le cours sinueux du Doubs aux flots écumants.
Actuellement c’est un but d’excursion pour les amoureux de la nature et de l’escalade.

Relevé des Ruines

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Légende :

A sentier étroit avec ponts volants jetés sur fossés B petit emplacement pour les chevaux précédé d’un escalier taillé dans le roc. C sentier dérobé D fossé avec pont-levis précédé d’un escalier escarpé E corps de garde et entrée avec petite cour. F communs et corps de logis G terrasse en gradin (jardin) H cuisine et citerne I petite esplanade donnant accès au deuxième château escalier avec fossé J demeure supérieur avec donjon.

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Légende : emplacement A

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Emplacement B

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Escalier taillé dans le roc

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Vue dans bas C

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Première esplanade E F

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Vue sur le deuxième château J

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Cabane I H

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Reste de la base de la tour (donjon) J

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Vue sur la première terrasse avec entrée E G à droite de l’image

Bibliographie

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©Les châteaux suisses. Die Schweizer Schlösser. The Swiss Castles