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La date de la création du château de Denens a disparu dans les brumes du temps. Toutefois, un document de 1005 citant une maison forte dans le village de Dignens indique que les plus vieux éléments du manoir actuel pourraient fêter cette année leur millénaire.
En 1005, un document en latin provenant de l’évêché de Genève atteste l’existence de Dignens. Ce parchemin définit ce village comme le seul lieu-dit entre Aubonne et la Venoge et indique que l’endroit comprend une maison forte, une chapelle, des chambres et des vignes. Il faut attendre 1177 pour trouver une autre trace écrite qui parle de la localité en précisant que l’église appartient aux moines du Grand Saint-Bernard.
Denens fait partie des terres de Vufflens le Château jusqu’en 1300 où il est échangé par son propriétaire Richard de Duin contre le village de Bussy. Il agrandit alors les terres des comtes de Savoie. Certains chroniqueurs estiment que la construction du château proprement dit daterait de cette époque. Cependant, Pierre de Buren l’avance d’au moins 300 ans et considère que le bastion moyenâgeux ne fait qu’un avec la maison forte du XIème siècle.
Entre le XIVème et le XVIIème siècle, le château change plusieurs fois de propriétaire. Il revient en 1365 à Marguerite d’Oron puis à la famille de Compey. Ces derniers le conservent de 1370 à 1531. Le blason de Denens, une corneille sur un mont, s’inspire de celui de Jeanne Curnillon qui posséda le château au milieu du XVIème siècle. Le domaine se transmet par voie d’héritage ou d’épousailles sans subir d’altérations importantes. Denens passe aux travers des tumultes guerriers sans jamais devoir soutenir de sièges ou d’attaques.
Après avoir passé dans les mains des Tavel, le château se retrouve dans la famille de Buren, une dynastie importante de la région. En effet, Ludwig de Buren fut le dernier bailli de Berne à Lausanne. Ce personnage opéra comme officier recruteur au service de la France avant de s’installer en Suisse. Durant sa vie mouvementée, il aida à Toulon un jeune caporal nommé Napoléon Bonaparte à monter en grade. Celui-ci lui rendra visite en 1797 au Château Saint-Maire de Lausanne pour le remercier de son geste.
Denens fait partie des châteaux attaqués en 1802 par les Bourla-Papey. Ce mot patois signifiant les brûle-papiers désigne les bandes paysannes révoltées qui attaquent à cette époque les châteaux de La Sarraz, Bière, Mollens, Pampigny, Saint-Saphorin, Vufflens et Denens. Sous le slogan de «Paix aux hommes, guerre au papier!», ils investissent les centres administratifs du pouvoir vaudois et mettent le feu aux documents permettant la perception des impôts. Si la révolte des Bourla-Papey fait partie de l’histoire vaudoise, il semble que les autodafés n’aient de loin pas détruits toutes les pièces administratives. En effet, les archives vaudoises possèdent un fond de Buren composé de divers papiers et documents donnés par les châtelains qui démontrent qu’une quantité importante d’écrits ont échappé à la destruction.
L’époque n’est pas très propice pour la famille. Aux alentours de 1785, le château brûle. Il est reconstruit mais abandonne sa vocation de place militaire pour devenir une gentilhommière. Quelques années plus tard, le bailli de Buren est raccompagné à la frontière bernoise. Comme il avait été plutôt débonnaire, on lui permet de revenir vivre dans sa demeure de Denens. Hélas, l’homme est joueur et perd une grande partie de ses biens aux cartes. Il faudra que son fils et son frère le mettent sous tutelle avant que tout ne soit dilapidé. En conséquence, des anciennes terres qui constituaient l’un des plus grands domaines de Suisse Romande, il ne reste à ses descendants que le château entouré de quelques forêts et terres cultivables environnantes. Depuis cette époque, le château n’a plus quitté la famille de Buren qui continue à l’habiter aujourd’hui.
Le domaine a de tous temps fait partie du château de Denens et à côté de leurs multiples occupations militaires ou civiles, les propriétaires ont toujours gardé un œil sur leur vignoble.
Le plus vieux document en notre possession sur la région de Denens, un parchemin de 1005, confirme que des vignes se cultivaient à cette époque autour de la maison forte. Ces vignes, alors propriété du chapitre de Genève, datent fort certainement d’une époque plus ancienne et relèvent sans doute d’une tradition importée par les Romains.
L’Urbs avait commencé à coloniser l’Helvétie dès la victoire de Bibracte. Le peuple mené par Divico dut retourner sur le territoire de la Suisse actuelle après sa défaite en 58 avant Jésus-Christ et accepta la paix romaine. Les villes, brûlées par nos ancêtres au moment de leur exode, furent reconstruites selon des canons latins.
Nyon, Lausanne et Yverdon portent en ce temps-là les noms de Noviodunum, Lousonna et Eburodunum. Des routes relient ces bourgs entre eux et traversent les campagnes jalonnées de villas, de domaines et de fermes. Les ruines de ces habitations jonchent les terres vaudoises y compris celles de Denens. Il n’y a aucun doute sur le fait que les terres appartenant à des propriétaires latins comprenaient des vignes. En effet, les colons recevaient leur lopin de terre des mains de l’administration romaine en récompense de leur dévouement dans l’armée, mais devaient s’engager à planter de la vigne.
De la chute de l’empire romain au Vème siècle jusqu’en 1005, les données nous manquent. Toutefois, on peut supposer que la vigne s’est maintenue dans la région grâce au patronage de l’Eglise qui constitue la seule organisation à ne pas imploser dans le chaos provoqué par les invasions barbares.
Entre le début et la fin du millénaire, les renseignements sur le domaine viticole du château ne sont pas non plus très fournis. Il existe quelques documents, en général de type comptable, sur l’utilisation des vignes, mais il semble que la viticulture était une activité courante qui ne méritait pas de considération particulière de la part des chroniqueurs. On sait toutefois que jusqu’à la fin du XIXème, les vignes s’avèrent rentables, mais pas plus que d’autres activités agricoles ou sylvestres. Au début du XXème siècle, les rentes provenant des bois et forêts baissent dramatiquement alors que le rendement de la vigne augmente proportionnellement. Ainsi, une partie des champs du château de Denens est convertie en vignoble par Alfred de Buren, arrière-grand-père du châtelain actuel. Les parcelles du domaine sont presque exclusivement complantées en Chasselas et en Pinot Noir, avec une petite exception pour une parcelle de Riesling-Sylvaner.
L’arrivée de Pierre de Buren aux commandes coïncide avec un renouvellement du domaine et des méthodes de production. Aujourd’hui, les 7,5 hectares de la propriété accueillent en sus des variétés traditionnelles du Garanoir, de la Syrah, du Cabernet, du Merlot, du Servagnin et du Sauvignon. Toutefois, ces nouveautés ont surtout pour vocation d’entrer dans des assemblages et de remplacer les vins médecins dont l’importation va être interdite au 1er janvier 2006.
Le travail à la vigne a également changé puisque l’ensemble du domaine est cultivé selon les normes de la production intégrée. De même, la cave a été transformée et assainie en 1995. Aujourd’hui, le Château de Denens livre la production de 2,5 hectares à la maison Schenk et vinifie les 5 hectares restant sur place. Pour déguster ce vin du domaine, il faudra faire un détour au village de l’épouvantail, Denens, car la quasi totalité des bouteilles sont achetées par la clientèle privée.
Alexandre Truffer
@RomanDuVin.ch 2005
D'après une aquarelle d'Albert Kaw de 1666
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